
Nouvel exemple aujourd'hui avec le non-événement créé par Le Soir : la publication de l'interview de Tom Barman, le leader de dEUS, alors qu'Universal avait décrété un embargo jusqu'au 15 avril, sous peine d'une amende de 25 000 euros pour le contrevenant. Au nom de la sacro-sainte liberté de la presse, Le Soir brise l'embargo aujourd'hui dans ses colonnes et en profite pour s'inviter aux JT et JP de la RTBF pour expliquer sa courageuse démarche. Quelques éléments s'imposent toutefois pour décortiquer la situation (et dégonfler la baudruche lancée par Le Soir).
1. Les embargos sont monnaie courante dans le milieu du journalisme et font même l'objet d'une sorte d'entente tacite entre les différents médias d'une part, mais aussi entre les médias et leurs fournisseurs. C'est un principe qui se base sur la confiance réciproque. On peut y être favorable ou opposé, ça c'est un autre débat. Mais les embargos existent et il faut faire avec. Autrement, on change de métier.
2. La nouveauté, c'est la menace d'astreinte de 25 000 euros. Convoqués pour une première écoute de l'album, les journalistes intéressés par une interview de Tom Barman ont dû au préalable signer un contrat qui précisait le montant de l'amende à laquelle ils s'exposaient en cas de non respect des conditions. Plusieurs journalistes ont d'ailleurs préféré ne pas se plier à ce jeu et ont tout simplement tourné les talons. Personnellement, je trouve que c'aurait été l'attitude la plus courageuse.
3. Cette semaine, Frontstage, le blog pop rock du journal Le Soir, dénonçait cette situation, annonçait que Le Soir se plierait aux termes du contrat et laissait croire que le journal irait peut-être même jusqu'à passer carrément la sortie de l'album sous silence. Courageux...
4. Ce matin, retournement de situation (de veste ?) : Le Soir consacre une double page à "l'affaire dEUS", publie l'interview interdite de Tom Barman, signée Thierry Coljon. La rédac chef Béatrice Delvaux se paie au passage le luxe d'un édito sur la liberté de la presse, qu'elle commente allègrement à la radio et au JT. On croit rêver...
5. Je lis l'interview sur le net et je n'en crois pas mes yeux : les questions sont consensuelles, on y parle de l'esprit de groupe retrouvé, on y aborde des questions insignifiantes (la pochette ferait-elle référence aux prisons d'Abou Ghraïb ? Qui du studio ou de l'album s'appelait d'abord Vantage Point ? Tout le monde s'en tape...) Par contre, aucune question sur l'attitude d'Universal ou sur le fait que l'album circule sur le net depuis des semaines. Rien non plus sur la setlist des premiers concerts de la tournée, qui semble oublier complètement les deux premiers albums, pourtant les deux meilleurs.
Franchement, tout cela est ridicule. Liberté de la presse ? Mais pourquoi ne pas parler de déni de démocratie ou d'atteinte aux droits de l'Homme tant qu'on y est ? De tsunami culturel ? D'holocauste musical ? Revenez un peu les pieds sur terre. Les gars, on parle juste d'un album, qui circule sur le net depuis des plombes. Il suffisait de ne pas en parler et puis c'est tout. Ou alors, quitte à publier l'interview à l'avance, autant le faire correctement, en posant les vraies questions, en chopant Barman dans le blanc des yeux et lui demander "Franchement, Tom, dEUS n'est plus ce qu'il était ?" Certains appellent ça du courage. D'autres du journalisme.
Comment ne pas se poser la question de la vraie raison de cette tempête dans un
Enfin, un petit conseil aux petits groupes qui rament depuis des années pour obtenir trois lignes dans le torchon local : envoyez un petit mail à thierry.coljon@lesoir.be, proposez-lui une interview et joignez-y les conditions (une semaine d'embargo et 25 000 euros d'amende en cas de publication anticipée). Comme par magie, trois jours plus tard, vous aurez droit à une double page dans le quotidien de la Rue Royale. Elle n'est pas belle, la vie ?
Juste une petite précision: ce n'est pas une double page que "Le Soir" de samedi a consacré à l'affaire, mais trois pages.
RépondreSupprimerEt on en remet une couche dans l'hypocrisie vespérale: Universal c'est rien que des méchants, et dEUS s'est sali en acceptant un tel marché de dupes! ... mais Tom Barman est encore en une (mais en plus petit), pour sa participation au supplément sur la déclaration des droits de l'homme. Soit environ 2 lignes, où l'on apprend que Tom râle parce qu'il n'est jamais au courant des jours fériés. Ou comment vendre du papier aux fans un peu naïfs.
RépondreSupprimerSinon, c'est qu'un détail, mais les premiers albums ne sont pas oubliés dans les concerts du groupe: Turnpike, Roses, et Fell Off The Floor Man ont été joués dès le premier soir de la nouvelle tournée, et Suds & Soda a reparu depuis. S'il y a bien un parent pauvre, c'est l'album The Ideal Crash, dont seul Instant Street est rescapé en live...
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