mercredi 2 mars 2011

L'Enfance Rouge - Bar-Bari


Il est très rare que je parle d’artistes qui chantent en français. Ce n’est pas du racisme, ce n’est pas non plus pour rappeler le caractère profondément flamand du rock, c’est juste que des groupes qui chantent en français, je n’en écoute pas beaucoup. Je me souviens, encore gamin, avoir lu une interview (de Noir Désir?) dans le TéléMoustique de mes parents, interview dans laquelle l’artiste (Bertrand Cantat?) rappelait à quel point chanter en français pouvait s’avérer pénible, à cause de toutes ces consonnes. Il n’avait pas tort.

Je ne suis pas linguiste, mais il me semble que cette avalanche de consonnes constitue précisément le coeur-même de la richesse de la langue française. Il suffit d’écouter un Américain – par exemple – risquer de perdre son dentier en voulant prononcer correctement le nom de Gérard Depardieu pour mesurer toute la difficulté à parler notre parlage. Et si c’est difficile, alors c’est beau. Règle mathématique qui vaut pour toutes les langues, sauf l’Allemand évidemment. Vous ne me surprendrez jamais à louer le verbe de l’occupant.

Si j’aime L’Enfance Rouge, c’est justement parce que c’est un des seuls groupes qui capitalisent à ce point sur la surpondération des consonnes dans la langue française. Ou tout le moins qui ne la nient pas en essayant d’imiter vaguement l’anglais en marmonant peu ou prou chaque mot du Robert qui, s’il est mâchouillé, libère une délicate saveur de rosbif.  A vrai dire, c’est peut-être le seul groupe qui chante en vrai français. Le Français, jeune homme, ça se crache, ça se déglutit et ça coince les portes.

C’est ce que François Cambuzat, guitariste chanteur de ce trio franco-italien, a bien compris. La preuve avec le merveilleux Palais Bourbon, sorti en 2005 sur l’album Krsko-Valencia.



Avec Bar-Bari, cuvée 2011 de L’Enfance Rouge, cette bande de renégats (ils en sont à leur 7e ou 8e album, on ne sait plus très bien, tous sortis en édition ultra-limitée) enfonce une nouvelle fois le clou. Bien pointu, bien profond, bien rouillé. Les premiers mots de Cambuzat annoncent la couleur sur Perquisitions.

Emasculons la bête
En urgence circonstanciée
L’acier est d’une secrète
Beauté

Pour la dentelle, les frou-frou et l’intro en douceur, on repassera. C’est une entrée en matière version bélier qui cède la parole à la bassiste Chiara Locardi pour la deuxième salve de l’album: l’introverti Grande – Survie. Réplique italienne de Kim Gordon, elle y déclame, raide et figée, une complainte à la voix tellement écaillée qu’elle convaincrait Jeanne Moreau de doubler Alvin et les Chipmunks.

La suite reprend le chemin d’un rock sanguinaire et militant. Avec en invité surprise, un certain Bertrand Cantat venu psalmodier les vers de Tostaky sur Vengadores. Contraste éloquent, entre d’une part, celui qui fut adulé avant de chuter et, de l’autre, une formation dont le succès reste confiné à quelques cercles d’intellos punk privilégiés. Cantat semble y retrouver la spontanéité perdue sur des plateaux TV ou les scènes des grands festivals. On n’y croyait plus. On le sent presque ému.

Le reste de l’album poursuit sur les voies impénétrables d’un rock crasseux, d’une poésie noire et d’arrangements teintés d’influences orientales. Une bonne moitié de ces titres se trouvait déjà sur l’album précédent, mais sont livrés ici dans un emballage épuré, une sorte de retour à la nature profondément électrique de L’Enfance Rouge.

Du vrai bonheur pour les oreilles.
Je l’écoute en boucle, encore et encore.

Les liens : 

Le site officiel
Commander sur Wallace Records
Commander chez Mandai Distribution

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