vendredi 3 décembre 2010

Bowinage - épisode 3 sur 5 : Station To Station (1976)

Bowinage : une reconstitution historique inédite d'un pan totalement oublié de la biographie de David Bowie. Un travail documentaire rigoureux pour rétablir la vérité sur l'influence des terrils du Borinage sur l'oeuvre du Thin White Duke.

En 1975, ma mère n’a toujours pas la moindre idée de qui était ce bellâtre qui l’avait abordée sur la berge quelques années plus tôt. Pire, elle s’en souvient à peine. Dans le Borinage, le choc pétrolier se fait ressentir plus qu’ailleurs. Et dans sa petite bicoque de fille de mineur, cette splendide demoiselle de 20 printemps n’a toujours pas les moyens de s’offrir le tourne-disque qui lui ouvrirait les portes de la musique pop anglaise. Pour occuper ses soirées, elle traîne donc dans les cabarets fréquentés par des mineurs ivres morts qui dépensent leur paie pour oublier la couleur du trou. 

Bowie en gare de Flénu
De l’autre côté de la Manche, Bowie poursuit son bonhomme de chemin. Les années de galère sont maintenant derrière lui et il peut commencer à tapisser ses murs de disques d’or, même si le succès commercial n’est pas toujours à la hauteur des critiques élogieuses qu’il suscite. En tournée continentale pour défendre l’album Young Americans, il décide de faire un crochet rapide par le Borinage et croit dur comme fer qu’il pourra cette fois revoir sa bien-aimée. Cette nouvelle tentative s’avère fructueuse puisque, sur le quai de la gare de Flénu, il tombe nez à nez avec la petite rouquine, visiblement seule. Après quelques minutes d’une conversation bancale, la mémoire de ma future maman se rafraîchit et les deux tourtereaux commencent à se raconter leurs vies respectives. Bowie peut difficilement cacher sa frustration : comment est-il possible que cette jeune et belle femme n’ait jamais entendu parler de lui ? La discussion se rompt subitement lorsqu’entre en gare le train omnibus en provenance de Bruxelles. Du deuxième wagon descend un jeune homme en uniforme, mince, pâle au regard droit et portant une petite mallette. Bowie voit son interlocutrice se jeter littéralement dans les bras de ce militaire en permission, qui deviendra plus tard mon père. 

Vexé, l’artiste tourne les talons mais ma mère l’attrape par l’épaule et lui propose de se joindre à eux pour la soirée. L’un de ses cabarets préférés a été récemment ravagé par un terrible incendie et mon futur papa participe ce soir-là à un concours de fléchettes, dont les bénéfices serviront à reconstruire le bistrot. Flatté, Bowie passera ainsi la soirée incognito dans la fumée et les effluves de bière d’un cabaret borain, au milieu des joueurs de manille et des crosseurs en plaine. Mais la joie et la bonne humeur de l’instant ne sont rien en comparaison de la douleur qui le mange de l’intérieur. Le lendemain aux aurores, il prend le train pour Paris et rejoint ses musiciens pour la suite de la tournée. Pendant son voyage, il écrit les premières lignes de l’album Station To Station: « The return of the Thin White Duke / Throwing darts in lovers’ eyes ».

A regarder : Station To Station (live)



("It's not the side-effect of the cocaine"? Bof...)

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