dimanche 1 mars 2009

Justine Niogret - Et toujours le bruit de l'orage


Nous y voilà : le livre qui a failli être mon dernier (et que j’ai failli ne jamais terminer). Le bouquin qui m’a presque fait passer l’arme à gauche, celui à la lecture duquel je me suis littéralement étouffé.

L’ironie dans toute cette histoire, c’est que je suis intimement persuadé que Justine Niogret elle-même aurait été flattée d’apprendre qu’on aurait retrouvé mon cadavre dans ma baignoire, tenant d’une main raidie son Et toujours le bruit de l’orage.

Il faut dire que le thème de la mort empeste tout au long des 190 pages qui composent ce premier recueil de nouvelles : le deuil, la solitude, la douleur, le sacrifice, la mélancolie, le meurtre, le chagrin, le suicide, la perte de l’être cher, l’amertume, le désespoir, le petit grain de folie qui vous fait basculer de l’autre côté.

Autour d’une quinzaine de textes courts mais enrobés, on y croise des personnages mal dans leur peau, des criminels en herbe, des apprentis cannibales, des guerriers durs comme la pierre qui tombent soudain amoureux, des enfances volées, des dédales, des labyrinthes mentaux, des fleurs fanées, des ciels lourds et sombres.

Les ambiances ne sont pas toujours faciles à cerner, mais les amateurs de décors désolés y trouveront leur compte. Le style est passionné mais assez déroutant, alternant douceur poétique et violence haineuse. Une plume lourde et radicale, sans merci. Dépressifs chroniques s’abstenir.

Trois nouvelles particulièrement éprouvantes m’ont cueilli au menton : Les autres, Le Jour de la Belladone et l’insoutenable La Grange, dont la chute m’a carrément mis les tripes à l’air. Moi qui aime en prendre plein les dents, j’ai été servi.

Extrait de « Le Jour de la Belladone » :

« Je n’ai plus de nom. Je n’ai plus de nom et je suis seule. Je regarde par ma fenêtre et je les vois passer, eux, les autres, les femmes et les hommes. Ils ont des noms, des mains sur leurs chairs, le soleil dans leurs cheveux. Moi, je suis seule, seule à en mourir et je n’ai plus de nom.

J’ai dû en avoir un, autrefois, un nom qui faisait sourire mes parents, qu’ils m’avaient donné parce que j’étais moi, unique, leur enfant, leur amour, leur espérance. Ils ont dû le chuchoter vers moi, les nuits trop sombres où j’ai eu peur, ils ont dû le crier, les jours de soleil où j’ai roulé avec eux sur les herbes, bébé brun, le nez dans l’odeur de ma mère, sa chair sur la mienne, le goût de son lait dans ma gorge.

Puis les prêtres sont venus me prendre. J’imagine que ma mère a fermé les paupières sur ses larmes, que mon père a ravalé ses sanglots. Mais ils m’ont prise tout de même. Ils ont pris leur unique, leur enfant, leur amour, leur espérance. Ils ne leur ont laissé que mon nom. »

Justine Niogret, Et toujours le bruit de l’orage, Le Calepin Jaune Editions, 2008

Les liens

Le Calepin Jaune Editions

Le blog de Justine Niogret (version 1)

Le blog de Justine Niogret (version 2)

4 commentaires:

  1. Ah oui, mais bon on troue l'ennui du dimanche comme on peut...Certains se gavent de macarons emmitouflés devant leur série préférée, et d'autres préfèrent jouer à clapoti-clamsera (pas) dans leur bain...Sérieusement contente que tu t'en sois sorti...Moins convaincue par le livre (trop noir pour moi).

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  2. sincèrement, laisse tomber le livre si tu n'es pas dans le bon état d'esprit. Je pensais être totalement blindé vu les vieilles saloperies usées qui traînent sur ma bibliothèque... et ce bouquin m'a quand même bien retourné.

    brrrrrrrrr

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  3. Damned, on m'avait bien dit que j'avais un lecteur, te voilà donc... Promis juré, les crevettes ne viennent pas des encres de la couverture.
    Remets-toi bien de ton choc, j'en fais aussi, et effectivement il y a de meilleures façons de passer sa soirée.
    Bises! (quel vice...)

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  4. Ouah, ça me tente bien moi. Mais pas là en cette fin d'hiver ou la "dépression saisonière" me traine le moral dans la vase bien noire... Je vais attendre les jours heureux du printemps ensoleillé... haha.

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