jeudi 13 novembre 2008

Oranges métalliques

Ou les mésaventures incroyables d’une locomotive philanthrope malgré ses nombreuses avaries

Les lundis noirs ne sont pas uniquement l’oeuvre des Bourses qui dévissent. Il y a aussi des lundis qui pour 99,99 % des gens paraissent tout à fait banals (eh oui, « banal » est une exception), mais qui pour moi s’apparentent à un véritable parcours du con battant.

Mon lundi noir a commencé à 8h30, sur le siège en skaï d’un wagon de la SNCB. Action spéciale pour la veille de l’armistice ? - la Dame de Fer avait prévu ce lundi un train pour les nostalgiques des tranchées de 14, vieux, rouillé, puant et surchauffé pour permettre aux microbes et autres virus de passer plus facilement d’une victime à l’autre. A côté de moi, un homo non sapiens poilu et édenté mâchouillait maladroitement une vieille tartine au brie de Meaux qui traînait dans son sac depuis une bonne semaine et empestait la gastro-entérite. Moi, je suais à chaudes gouttes dans mon manteau gris, sentant l’odeur de la transpiration chatouiller mes narines. Nous étions entassés comme des bovidés qui partent à l’abattoir.

Abattoir Blues chantait Nick Cave.


Arrivé à l’abattoir de verre, la journée se déroula comme toutes les journées depuis que les marchés dégueulent : le vide, le néant, la négation de l’Homme.

Réveil en sursaut lorsque mon ami S. m’appela pour tâter ma motivation à l’idée de passer la soirée à Jumet, au HE:LL METAL. Le Death Metal n’est pas a priori le style que je préfère, mais de nature curieuse et surtout au bord de l’oxydation cérébrale par manque de stimuli, je répondis positivement à cette invitation ma foi fort à point.

C’était évidemment sans compter sur le talent naturel de la SNCB. Parti à 18h de Bruxelles-Nord, j’aurais dû arriver à 18h45 à Nivelles. « Aurais dû » parce qu’à 19h, nous étions toujours quelque part du côté d’Uccle. Motif invoqué par un contrôleur en panne d’imagination : des feuilles mortes sur les rails nous empêchaient de rouler à notre vitesse habituelle. Sauf qu’entre-temps, nous nous faisions dépasser par d’autres trains qui ne semblaient pas souffrir de ce problème.

19h15 : nouvelle annonce. « Chers passagers, j’ai une mauvaise nouvelle : nous allons devoir rentrer à Bruxelles suite à une avarie à la locomotive. » Dieu que je déteste ces « avaries à la locomotive », prétextes à tous les retards et abus.

- Qu’avez-vous à ajouter pour votre défense, accusé ?

- C’est pas ma faute, M’sieur le juge. C’est la faute à l’avarie à la locomotive.

- J'ordonne à la maréchaussée de libérer cet homme immédiatement.

19h30 : nous arrivâmes enfin en gare de Bruxelles-Midi. Arrière-goût amer en bouche : une heure et demi pour faire la jonction Nord – Midi, j’aurais été plus vite à pied !

20h : j’arrivai enfin à Nivelles. Merci la SNCB, j’avais déjà loupé la moitié des groupes à l’affiche ce soir, à cause d’une nouvelle « avarie à la locomotive ». Saletés d’avaries…

Juste le temps d’avaler un bout de pain rassis (c’est la crise, mes amis) et de troquer le costard cravate pour un vieux jeans et chemise en treillis et nous prîmes la route pour Jumet dont j’appris qu’elle est la plus grande commune de Belgique.

Dans la voiture, on se chauffait comme on pouvait en écoutant Anthrax et Napalm Death. Pas vraiment du death metal, mais c’est tout ce qu’on avait pu trouver de plus ou moins ressemblant.

Arrivés sur place, S. fut bien inspiré en me conseillant de virer les sacs et les CD dans le coffre, à l’abri des regards indiscrets. « Tu sais, Jumet c’est assez chaud quand même… » S. fuma rapidement sa clope pendant que des hordes de chevelus de noir vêtus rangeaient nerveusement du matériel dans le coffres de leurs automobiles.

Il nous restait à voir des artistes aux noms aussi prometteurs qu’Innerfire et Hate. Pourquoi pas, après tout ? Au moment de rentrer dans ce temple d’un soir du décibel gras et aiguisé, nous nous fîmes alpaguer par un portier visiblement surpris de notre présence. Hola shérif, sont-ce les couleurs trop vives de nos bures qui heurtent l’œil de l’indigène peu souriant ? « Désolé les gars, la soirée est annulée. C’est parti en couilles, un mec a sorti un flingue. Il y a quelques minutes, j’avais une arme sur la tempe. On a tout annulé et je vous conseille de rentrer chez vous. »

Nooooooooooooooooooooon. Mon festival de death metal !!!

Adieu Jumet. Adieu cow-boys. Huuuuuu, Jolly Jumper. Rentrons au campement.

Nous décidâmes donc de rentrer à Nivelles et de terminer la soirée bien sagement avec un dürüm et des bières spéciales. Pour le death metal, on repassera.

La Grimbergen au fût m’aida à passer une nuit relativement paisible, malgré l’énervement de m’être fait confisquer ma soirée par une bande d’écervelés nostalgiques des tueries du Brabant.

Puis finalement, en y repensant, je me rends compte que j’aurais pu vraiment mal tomber. Me retrouver nez-à-nez avec un tordu de la gâchette, ouvrir ma grande gueule « Allez Kid, lâche ton pistolet à eau, tu vas salir ton froc et ta mère va encore t’engueuler » et me faire plomber les genoux. Ou pire : me faire plomber la tronche. Et laisser une petite orpheline sur le trottoir.

Finalement, si mon train n’avait pas fait Bruxelles-Uccle-Bruxelles-Nivelles ce soir-là, j’aurais pu y rester. Finalement, c’est peut-être cette satanée « avarie à la locomotive » qui m’a sauvé la vie.

« Sauvé par une avarie à la locomotive. »

Ça aurait fait un super titre en première page de la DH si ça avait été un journal des bonnes nouvelles.

Merci la SNCB.

A regarder : la vidéo de Hate

Hate - Threnody


Les liens

Le HE:LL Metal (dont les organisateurs annoncent qu'ils jettent l'éponge) : www.hell-metal.net

Sur myspace: www.myspace.com/hellmetalpage

La SNCB : www.sncb.be

3 commentaires:

  1. Je veux pas t'embêter mais il me semble que dans "une heure et demi", "demi" prend E. Une heure et demie.

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  2. Tu as oublié de dire que grâce aux aficionados du vol de voiure avec violence, tu as atterri chez mon pote frank (après 4 demi tour, je sais je sais), où tu as goûter pour la première fois de ta vie, la toute nouvelle Tauro

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  3. c'est vrai : à chaque fois que je dégusterai une Tauro, je repenserai au jour où la SNCB m'a sauvé la vie

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