dimanche 25 avril 2010

Sungrazer - s/t


Je n’ai jamais pu rentrer dans le dernier Motorpsycho. Trop hermétique pour mes grands pavillons. Pareil avec le dernier Queens Of The Stone Age. Mais celui-là était justement trop accessible pour mon marteau, mon enclume et mon étrier. Allais-je devoir laisser tomber le stoner rock à tendance psyché ?

C’était sans compter sur le trio hollandais Sungrazer qui vient de sortir son premier album éponyme. En cinq morceaux qui tournent autour des 7 minutes, l’affaire est emballée : riffs gonflés de sucre, saturations juteuses, refrains entêtants pleins de couleurs…

En faisant abstraction de certains effets de style purement psyché (les échos en ping pong, les solos souterrains, les ralentissements de tempo au frein à main), on jurerait parfois croiser le spectre d’Alice In Chains, particulièrement criant sur le morceau Mountain Dusk.

Et si l’album du printemps venait des Pays-Bas ?

A regarder : Zero Zero

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jeudi 22 avril 2010

Sharon Jones & The Dap Kings – I Learned The Hard Way


Loin – mais alors très loin – des frasques d’Amy “La Maison de Vin”, Sharon Jones poursuit sa course en tête du peloton des meilleures ambassadrices du retour de la soul façon années 60. Pour son quatrième album, elle est comme toujours accompagnée de ses fidèles Dap Kings, menés à la baguette par le boulimique Gabe Roth, alias Bosco Mann, l’homme à la redoutable moustache qui sévit derrière chaque sortie du label Daptone Records.

Véritable fanatique du son vintage, Bosco Mann a une nouvelle fois mis tout son talent (et son studio 100% analogique) au service des textes bruts et de la voix chaleureuse de la minuscule Sharon. La technique d’enregistrement (uniquement sur bandes !) rend parfaitement cet effet retro, faisant de cet album un disque intemporel, qui aurait très bien pu être pondu il y a quarante ans.

Ce quatrième album célèbre aussi une certaine forme de retenue : moins dansant, moins funk que les précédents, il met à l’honneur une Sharon aussi à l’aise dans un registre soul pur et dur (Better Things To Do) que dans un gospell blues épuré (Mama don’t like my man). Mais peu importent les arrangements, en vraie héritière de la musique black féministe, elle y déballe ses innombrables déceptions amoureuses comme autant de coups de couteaux dans la poitrine du mâle dominant.

Difficile dans ces conditions de ne pas songer à la splendeur de Pam Gryer dans Jackie Brown, tant I Learned The Hard Way (de loin l'album le plus abouti de Sharon Jones) évoque à lui seul toute la bande son du fameux film de Tarantino.

Petit conseil : si Sharon Jones est de passage dans la région, ne la loupe surtout pas. Sur scène, c’est une vraie tornade !

A regarder : I Learned The Hard Way




A regarder : Sharon Jones parle de son nouvel album



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Daptone Records
Bosco Mann parle de son studio

samedi 10 avril 2010

High On Fire - Snakes for the Divine


Chili, Turquie, Haïti. Tremblements de terre, raz-de-marée, catastrophes naturelles en tous genres. On serait facilement tenté de pointer du doigt les dérèglements climatiques engendrés par l’homme et ses activités de plus en plus polluantes. Quelqu’un a-t-il pensé à blâmer le rock ? Quelqu’un a-t-il songé à cette éventualité ? Et si Haïti avait simplement été submergé par un fan local de High On Fire qui aurait oublié de baisser le volume avant de lancer la lecture de Snakes for the Divine ? Et si la secousse avait ouvert une brèche dans la croûte terrestre, le genre de fissure qui s’étend de Port-au-Prince à Ankara en passant par Santiago ? A méditer…

Parce que ce cinquième album de High on Fire, c’est tout simplement une bombe H en puissance. Les riffs sont surhumains : ça gueule, ça martèle, ça pousse le volume, ça transpire à chaudes gouttes sur les manches. Ce nouvel album, c’est de la brute épaisse, une production de mammouth, un son qui taille comme un rasoir à cinq lames. Cet album, c’est aussi celui qui propulsera High on Fire sur le devant de la scène internationale, puisque le groupe vient d’annoncer qu’il assurera la première partie de la tournée européenne de… Metallica.

Metal, punk, gros bras tatoués, dentition aléatoire, frocs maculés de bière et guitares maltraitées, voilà les ingrédients du disque qui aurait décollé le papier peint des murs de mon appart si ceux-ci avaient été tapissés.

A regarder :  Frost Hammer



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samedi 3 avril 2010

Percival Everett - Le Supplice de l'Eau

On lit avec son vécu, paraît-il. Cela explique sans doute pourquoi j’ai rarement été en tel désaccord avec l’avis de l’éditeur sur une quatrième de couverture. Le Supplice de l’Eau, un livre politique ? Mon cul, ouais… Peut-être si on s’arrête à une lecture au premier degré, peut-être si on succombe aux artifices lancés ça et là entre deux longs monologues sur Socrate et Platon, peut-être si on n’a jamais approché ne serait-ce qu’une seconde ce qu’a traversé Ismaël, le narrateur de cette histoire complètement décousue.

Roman difficile à résumer sans tomber dans l’interprétation toute subjective, Le Supplice de l’Eau pourrait être présenté comme le récit d’un père seul qui raconte au jour le jour comment il vit le deuil de sa fille de onze ans, retrouvée sauvagement assassinée deux jours après sa disparition. Qu’il kidnappe à son tour celui qu’il prend pour le meurtrier et le séquestre dans sa cave semble presque un détail secondaire, tant le propos porte ici avant tout sur le voyage intérieur d’un homme meurtri, désespéré, qui noie son chagrin et sa douleur dans l’alcool et les digressions interminables sur la philosophie antique. Les parallèles trop évidents que dresse Ismaël entre les tortures qu’il administre dans son sous-sol et les crimes perpétrés à Guantanamo ne font office que de diversion, car il ne faudrait pas se tromper de propos : le thème central de ce livre est bel et bien la culpabilité, celle qui pèse des tonnes et vous assomme.

Aussi sauvage et imprévisible que les crimes qu’il est censé dénoncer, le style de Percival Everett fait mouche dans le sens où il brouille constamment les pistes. Les pirouettes narratives servent ici de cache misère, une sorte de pudeur savamment orchestrée avec des chapitres écrits en phonétique, d’autres écrits à l’envers, des flash-backs déroutants, des passages d’une froideur sibérienne, tout cela pour mieux dissimuler une mise à nu d’une sincérité étouffante. Ce livre n’est finalement qu’un faux prétexte : la mise en scène du présent n’est qu’un pansement poreux sur les profondes plaies du passé.

Je n’en dis pas plus.

C’est un livre que je te recommande vivement si tu ne crains pas de te faire balader dans toutes les directions, si tu as le cœur bien accroché et si tu ne redoutes pas de te farcir des chapitres entiers sur Wittgenstein, Sophocle et Aristote. Remarque : le bouquin annonce directement la couleur. La première phrase s’étire sur une page et demie !

Le lien

Percival Everett chez Actes Sud