dimanche 30 décembre 2007

10 cc de 2007 [7 de 10] : Shining

Grindstone

- Dr. Benton : téléphone pour vous. C'est urgent.
- Mais enfin, Conchita. Vous voyez bien que je suis en pleine opération à coeur ouvert. Ce patient souffre d'une fracture du poumon, d'une luxation du ventricule gauche et d'une entorse de l'artère aorte. Ce n'est pas le moment de me déranger.

- Oui mais c'est urgent.
- Ok je le prends. Allo?... Ah oui, je vois... Mais je suis au beau milieu d'une opération très délicate... Non, tu as raison... Oui, je sais... C'est vrai, tu as raison... Pour dimanche ? Oui, ça tient toujours... Purée ou croquettes, pour moi c'est pareil... Comment ?... Bon, fais des croquettes alors si ton presse-purée est niqué... Non, je ne m'énerve pas... Mais non... Oui tu as raison.... A dimanche maman...
- Rien de grave ?
- Non, revenons à cette opération.
- Trop tard, le coeur a cédé.
- Et merde. Remballez moi cette perf de 10 cc de 2007. Nous n'en avons plus besoin. Je vais rappeler ma mère, j'ai été un peu rude avec elle.


En quatre albums, les Norvégiens de Shining sont passés d'un jazz sax-piano-batterie à une mixture complexe qui doit tant à Coltrane qu'à King Crimson. Démarche pour le moins inattendue qui aboutit à Grindstone, disque inclassable sur lequel s'entrechoquent jazz, doom, stoner et rock progressif. Les sax ont cédé le flambeau aux guitares qui gerbent littéralement leurs riffs à travers les baffles de la sono. Batteur en overdose de boisson à l'effigie d'un taureau ailé, bassiste à la main plus lourde qu'un camion de transport bovin et claviériste calé sur un trip médiéval complètent ce tableau fauviste. Pour corser le tout, pour la première fois, Shining y ajoute ses cordes vocales et remporte haut la main son billet d'entrée pour l'hôpital psychiatrique, aile "grands malades et fous dangereux".

A écouter ici.

A regarder : Winterreise (en live) :


A regarder : In The Kingdom Of Kitsch You Will Be A Monster (en live) :


A regarder : Goretex Weather Report (en live - extrait de l'album précédent)


Les liens :
Le site officiel : www.shining.no
La chronique : http://newkicksontheblog.blogspot.com/2007/04/shining-grindstone.html

10 cc de 2007 [6 de 10] : The National

Boxer

- Dr. Benton, je vais quitter le service des urgences.
- Mais pourquoi, Dr. Green ? Pourqwaaaaaaaa ?
- J'ai décidé de monter ma propre affaire. Ces fêtes de fin d'année m'ont donné une idée brillante. Je vais faire fortune dans la gastronomie.
- Pourqwaaaaaa ?
- Depuis des années, je me fais chier à recoudre des gens. J'ai besoin de changer d'air. Je vais lancer un nouveau produit qui va faire fureur sur la table des fins gourmets : le foie gras de saumon fumé.
- Dr. Green, vous vous foutez de ma gueule ou quoi ?
- Pas du tout. La technique est simple et je ne comprends pas pourquoi personne n'y a pensé plus tôt. Imaginez le tableau. Des saumons d'élevage gavés au maïs jusqu'à ce que leur foie triple de volume. On leur prélève le foie, que l'on fume au feu de bois. Et voilà le foie gras de saumon fumé dans votre assiette.
- Ah oui ? Et pour le vin, vous allez faire comment ? Monbazillac ou Châblis ?
- Pfffff... Vous êtes en retard d'une guerre, Dr. Benton. Comme boisson, je vous recommande 10 cc de 2007.

Interpol vous a déçu cette année ? N'était-ce pas prévisible ? Editors vous insupporte ? Moi aussi. Par contre, The National... Mes aïeux... Quel album splendide. Mettez ensemble une voix grave et profonde, des guitares qui peuvent passer des arpèges folk de Start A War aux accords musclés de Mistaken For Strangers, quelques claviers parsemés délicatement çà et là et saupoudrez d'une rythmique qui préfère les angles droits aux courbes interminables. Surtout, n'agitez pas ! Ne remuez pas ! Laissez ces éléments cohabiter et laissez-vous emporter par ces douze chansons d'une beauté cristalline. Certains albums vous giflent par leur violence, d'autres vous assoment par leur lourdeur. Et puis, il y a ceux qui vous laissent sans voix, de par leur beauté indiscutable. C'est le cas de Boxer.

A regarder : la vidéo de Mistaken For Strangers


Fake Empire
en live au David Letterman Show


Les liens
Le site officiel : www.americanmary.com/

vendredi 28 décembre 2007

10 cc de 2007 [5 de 10] : Amon Tobin

The Foley Room

- Dr. Benton, j'ai mal partout. Mes dents me torturent. Il y a un concert de djembés dans mon crâne. J'ai tellement mal au bide que quand je bois de l'eau, j'ai l'impression qu'elle va me ressortir par le nombril. Je crache des morceaux de cerveau chaque fois que je tousse et ça fait trois jours que je vois flou.
- C'est un cas typique en cette saison : vous faites une réveillonnite aiguë. Je vais vous prescrire 10 cc de 2007 et ça va tout de suite aller beaucoup mieux. A prendre trois fois par jour jusqu'au 31, à minuit.

Après une série d'albums très autistes, le brésilien Amon Tobin a compris qu'il avait tout à gagner à ouvrir sa musique vers l'extérieur. Lisez : à jouer pour les autres plutôt que pour lui-même. Cette courbe rentrante, il l'avait esquissée sur Chaos Theory, la BO qu'il avait composée pour le jeu vidéo Splinter Cell. Avec The Foley Room, il trouve enfin son rythme de croisière et sort du carcan d'une musique breakbeat trop froide pour y laisser s'exprimer ses deux influences majeures : la nature (on y croise une foultitude de cris d'animaux) et la rue. Le résultat est un OMNI (objet musical non identifié) comme je les adore : inclassable dans un courant particulier mais à 100 % dans son époque. Un disque hybride, une bande son pour notre quotidien qui se partage entre stress, pollution, jogging du dimanche matin et tisane à la camomille.
Pour la petite histoire, on retiendra que cette année, Amon Tobin a été le premier artiste à se produire avec une sono en 7.1 sur le sol belge. C'était à l'Ancienne Belgique et le son était vraiment impressionnant.

A écouter : Kitchen Sink



free music



A regarder : les vidéos de présentation de l'album lors de sa sortie






Les liens

Le site officiel :
http://www.amontobin.com/

mercredi 26 décembre 2007

10 cc de 2007 [4 de 10] : !!!

Myth Takes

- Dr. Benton, j'aperçois les cheveux. A vous de prendre place.
- Je vois, je vois. Eh bien on va pousser, madame...
- Vous pensez que ça prendra encore beaucoup de temps ?
- Quand j'entre en action, ça ne dure jamais plus d'un quart d'heure. De toute manière, on m'attend pour dîner en ville dans une heure et je ne suis toujours pas douché.

J'avais précisé en entamant cette série des 10 cc de 2007 que je ne reprendrais pas nécessairement les meilleurs, mais bien ceux qui m'ont le plus touché cette année. Ce deuxième album de !!!, j'en avais d'abord trouvé un exemplaire vaguement tombé du camion. Ensuite, j'ai vu le groupe lors d'un concert démentiel à l'Ancienne Belgique. Puis, un de mes potes me l'a offert en double vinyl (superbe) pour mon anniversaire. Et comme si ça ne suffisait pas, c'est l'unique CD qui se trouvait dans l'autoradio lorsque mon épouse m'a appelé au boulot pour me dire qu'elle était en train d'accoucher. C'est donc Myth Takes qui a accompagné mes aller-retour maison-maternité-Prémaman pendant une bonne semaine. La BO des premiers jours de ma petite...

J'ai eu le temps de l'étudier sous toutes ses coutures, de le passer et repasser en boucle. Et je peux vous dire que c'est un sacré putain d'album. Beaucoup plus soigné que le précédent Louden Up Now, plus groovy et dansant que jamais. Des titres comme Must Be The Moon ou Heart Of Hearts sont à bannir des salles de bains, au risque de se manger une vilaine gamelle en esquissant un pas de danse sous la douche. Et si vous trouvez que ça balance déjà pas mal sur disque, pensez à vous asperger les aisselles d'un déo anti-transpirant de compète avant d'aller les voir sur scène. Ces gaillards-là (une bonne dizaine si je me souviens bien) sont les meilleurs quand il s'agit d'enflammer un public.

Pour les inconditionnels, un EP de remixes, Yadnus, vient de sortir en téléchargement uniquement.

A regarder : la vidéo de Heart Of Hearts




A regarder
: la vidéo de Must Be The Moon




Les liens:

Le site officiel : http://www.chkchkchk.net/


samedi 22 décembre 2007

10 cc de 2007 [3 de 10] : Pop Levi

The Return To Form Black Magick Party

- Dr. Benton, j'ai un problème. J'ai les seins qui montent au plafond.
- Enlevez vos vêtements, je vais voir ça.
- Voilà, vous voyez ? C'est grave docteur ?

- Je n'en sais rien, mais je peux vous dire que c'est contagieux. Je vais toujours vous prescrire 10 cc de 2007.

La première chose qui frappe chez Pop Levi, et en particulier sur la pochette de ce premier album, c'est son look de Jared Leto coiffé à la Mireille Mathieu. Heureusement, une pochette criarde n'a jamais fait un mauvais disque. Un disque ou plutôt un guide du routard pour le voyage dans le temps. Et ici, c'est en pleine période glam qu'on nous emmène, avec une impressionnante collection de clins d'yeux (?) à Marc Bolan, David Bowie ou Iggy Pop, période pailettes et collants. C'est chaud, c'est sexy, c'est rock'n'roll et ça a la pêche. Fans d'air guitar, ce disque est pour vous.

A écouter : Sugar Assault Me Now


free music



A regarder : la vidéo de Blue Honey



Les liens :

Le site officiel : www.poplevi.com
L'article de New Kicks à la sortie de l'album : http://newkicksontheblog.blogspot.com/2007/02/pop-levi-return-to-form-black-magic.html

vendredi 21 décembre 2007

10 cc de 2007 [2 de 10] : Neurosis

Given To The Rising

- Docteur Benton, j'ai un bon kilo de cérumen coagulé dans chaque oreille. En plus, j'ai les tifs collés à l'intérieur des pavillons et les lobes qui me tombent sur les épaules. Que dois-je faire ?
- Je ne vois qu'une solution : je vais vous prescrire 10 cc de 2007.

Oreilles fines, prudence.
Après 20 ans d'une carrière passée à bêcher les tréfonds d'un rock lourd et convulsif, Neurosis revient à la charge, bien décidé à nous en mettre plein la tronche, si possible à coups de pelles. Depuis 20 ans, Neurosis a fait des émules : Cult Of Luna, Sunn O))), Isis, Pelican, Black Cobra, ou chez nous Amen Ra ou Blutch. La liste de ceux qui pratiquent un rock qui s'écoute comme on avalerait des lames de rasoir est maintenant bien fournie. Et tous ont ce petit quelque chose qui n'aurait pas été envisageable si Neurosis n'avait pas enfoncé au préalable quelques portes au vérin pneumatique.
Aux commandes de ce nouvel album de Neurosis, un certain Steve Albini, producteur qui outre un très chouette nom de famille, affiche un palmarès digne de Lendl, Becker, Borg, Sampras, Agassi et Federer (et Thierry Champion aussi) réunis.
Sur ce Given To The Rising, on retrouve évidemment la voix caverneuse d'un Scott Kelly plus torturé que jamais, qui dégouline et s'épanche sur une forteresse de guitares en béton armé. Pas de doute, ici, c'est du lourd. Du très lourd. Ce qui n'empêche pas la subtilité de s'immiscer de ci de là. Mais au final, c'est quand même l'impression d'avoir été happé par une moissonneuse-batteuse qui l'emporte. Chaque riff, chaque ligne de basse, chaque changement de rythme se prend en frontal et à chaque fois, on y laisse un peu d'émail, quelques gouttes d'hémoglobine ou une caisse de neurones. Et n'essayez pas de fuir, car Neurosis vous poursuivra jusqu'en enfer. « At the center we will find you » répète sans cesse Kelly sur Fear and Sickness, un morceau qui ne devrait pas déclencher des dizaines de farandoles à la St Sylvestre. On demanderait bien à Neurosis de nous faire une reprise de La Danse des Canards, mais les mecs n'ont pas l'air particulièrement drôles...

La vidéo promotionnelle de Given To The Rising :



Le site officiel : www.neurosis.com

dimanche 16 décembre 2007

10 cc de 2007 [1 de 10] : Elvis Perkins

Ash Wednesday

- Dr. Benton, je sortais de la douche et j'ai glissé en marchant sur une savonnette. Je suis tombé en arrière, le postérieur en buse et je me suis empalé sur cet aérosol de mousse à raser. C'est l'objet de ma visite.
- Un objet parfaitement lubrifié... hum... comme c'est étrange...
- Epargnez-moi vos sarcasmes et décoincez-moi ça du cul.
- Je ne vois qu'une solution : prenez 10 cc de 2007.

10 cc de 2007, c'est le dernier feuilleton de l'année : une sélection des 10 disques qui m'auront le plus marqué cette année. Les meilleurs ? Non, juste ceux dont les boîtiers sont restés le plus souvent vides, parce que leur contenu squattait ma chaîne ou mon autoradio. Pas de classement non plus, mais juste neuf albums en vrac et un dernier trônant sur son piédestal, tant il ne m'a plus quitté depuis sa sortie.

Commençons cette série avec Ash Wednesday, le premier album d'Elvis Perkins, une splendide collection de chansons folk, d'une mélancolie intelligemment dosée. Point de fatalisme ni de névrose maccabre : le mec maîtrise son art à la perfection et ne tombe jamais dans le festival de déprime. Pour preuve, May Day!, qui vire subitement de la complainte au chant d'espoir.


A écouter :



free music



A regarder :




Les liens :

Le site officiel d'Elvis Perkins :
http://www.elvisperkins.net/
Elvis Perkins sur MySpace :
www.myspace.com/elvisperkins
L'article plus détaillé à la sortie de l'album :
http://newkicksontheblog.blogspot.com/2007/07/elvis-perkins-ash-wednesday.html
La vidéo du concert à emporter d'Elvis Perkins pour la Blogothèque :
http://www.blogotheque.net/article.php3?id_article=3447

mardi 11 décembre 2007

Tupperwavre : le retour du rock belgicain à la mayonnaise

Tout ça nous rendra peut-être le Congo

Une vidéo fort sympathique du groupe Tupperwavre, sorte de croisement entre Le Plat Pays de Jacques Brel et Chef, un p'tit verre du Grand Jojo. Formidable...



Le site officiel : http://www.tupperwavre.be/

lundi 10 décembre 2007

Coup de crayon : le con promis à la Belgique




















Il y a environ deux semaines, quand Mabi m'a proposé ce dessin pour le blog, j'étais plutôt réticent parce que je le trouvais juste à la limite de l'insulte. Mais depuis ce week-end et les propos d'Yves Leterme comparant la RTBF à la Radio Télévision Mille Collines, la radio rwandaise qui appela ouvertement au massacre des Tutsis et des opposants Hutus, le candidat premier ministre le plus médiocre de l'histoire belge m'a servi sur un plateau d'argent le motif qui m'a fait changer d'avis.
Je ne vais pas refaire toute l'histoire, j'ai déjà écrit tout ce que j'avais à écrire sur Yves Leterme. Ce mec est tellement consternant qu'il m'en ôte toute inspiration. Pour tenir des propos aussi stupides et irresponsables, il faut être soit extrêmement maladroit, soit complètement con, soit un fieffé pervers. La maladresse, on n'y croit plus trop. Entre les deux autres possibilités, je préfère ne pas choisir. L'avenir nous le dira bien assez tôt.

J'en profite pour vous proposer un autre dessin de Mabi qui se passe de tout commentaire :



Et, enfin, je termine par une petite infographie que j'ai bidouillée ce week-end en regardant Mise au Point, en référence à l'humour si particulier que pratique le sénateur Leterme. Imprimée sur un t-shirt, ça peut faire une chouette idée de cadeau à glisser sous le sapin :


[Il suffit de cliquer sur l'image pour en obtenir la version haute résolution.]

Tous les dessins de Mabi sont à admirer sur son site : http://www.lesitedemabi.eu/

dimanche 9 décembre 2007

C'est quoi cette pub sur mon blog???

Si quelqu'un peut m'expliquer pourquoi une fenêtre de pub pour ebay s'ouvre sur ma page d'accueil, ça m'aiderait à m'en débarrasser au plus vite.
Merci d'avance pour les précieux conseils !

Le Créateur

Nick Hornby – Slam

Mon Harry Potter à moi

Un nouveau livre de Nick Hornby, l'auteur du génial High Fidelity, ça s’achète sans réfléchir, parce que ça descend tout seul. C’est un peu comme les olives. Il ne faut pas avoir faim pour descendre 250 grammes d’olives. Et après coup, on ne regrette jamais. Ce nouveau roman de Nick Hornby, je l’ai donc acheté sans même prendre le temps de lire la quatrième de couverture. De toute manière, il n’y avait rien d’écrit sur la 4e de couv, mais ça, je ne l’ai su que plus tard. Donc, voilà, je me promène à la Fnac, je fais un détour par le rayon English Litterature et ce bouquin me fait un appel de phares du haut de son étal, bien emmitouflé dans sa couverture criarde toute d’orange et de noir, façon indigestion post-Halloween.

Je me dépêche de terminer Bonjour Paresse et j’entame Slam, qui raconte les déboires de Sam, un adolescent de 15 ans, passionné de skate board, dont le principal ami est un poster de Tony Hawk punaisé sur un mur de sa chambre. Non seulement il parle à son poster, mais celui-ci lui répond en retour. Un poster qui parle ? Oui, enfin presque. Le poster ne répond qu’en citant des passages de Hawk. Occupation: Skateboarder, la bio officielle de Tony Hawk que Sam connaît par cœur. Ce qui donne lieu à de vrais dialogues de sourds puisque, comme l’admet Sam lui-même : « J’ai dit que le poster parlait, pas qu’il répondait nécessairement à mes questions."

Après 80 pages, je suis tout à coup saisi d'un doute. Je jette un oeil rapide au rabat que je n'avais pas pris la peine de lire. Et merde : c'est bien le premier roman pour ados écrit par Nick Hornby. Voilà qui m'apprendra. Tant pis : je suis déjà bien avancé dans ce bouquin. L'histoire est un peu naïve, mais ça reste très sympathique. Alors pourquoi pas ? J'embarque alors dans la vie de Sam, de ses relations avec sa jeune mère qui l'a conçu alors qu'elle n'avait que 15 ans et de sa réaction de jeune con lorsqu'il pense avoir lui-même fécondé sa copine.

Comme souvent dans les livres de Nick Hornby, Slam évoque les angoisses liées à la prise de nouvelles responsabilités, ici la fin précoce de l'insouciance de l'adolescence. On y croise aussi quelques allusions à ce que Bourdieu a appelé la reproduction, ce phénomène qui pousserait les classes modestes à stagner sur le même échelon de la hiérarchie sociale, notamment en reproduisant les comportements de leurs aînés. C'est drôle, touchant et finalement pas si naïf que ce que les premières pages laissaient craindre. Un peu de sentiments, beaucoup d'humour, une dose de science-fiction également et voilà un récit bien ficelé qui s'adresse tant aux ados qu'à leurs parents ou à leurs grands frères.

Et puis, petit clin d'oeil perso, j'y ai retrouvé un catalogue complet des émotions que j'ai pu ressentir à l'approche de la naissance récente de ma petite. Si ce n'est que moi, ça fait longtemps que je n'ai plus quinze ans. Hum...
Les liens :
Le site officiel de Nick Hornby : http://www.nickhornby.net/book.html
La partie du site de Penguin Books consacrée à l'auteur de High Fidelity : http://www.penguin.co.uk/static/cs/uk/0/minisites/nickhornby/index.html

samedi 8 décembre 2007

Un samedi au Bear Rock

Ce samedi 1er décembre, Namur accueillait le Bear Rock avec quatre groupes à l’affiche : Emma White, Les Yeux de la Tête, Hitch et Amen Ra. Passons sur le premier groupe, pas vraiment ma tasse de thé. Les trois autres hôtes de cette belle affiche, chacun dans leur style, ont combiné les ingrédients de la recette d’une soirée réussie.

Les Yeux de la Tête (France)
Groupe caennais. C’est comme ça qu’on appelle les habitants de Caen. Bon, je la ramène mais j’ai dû aller vérifier sur Wiki avant de l’écrire…
Ce groupe, je ne connaissais pas du tout et je n’avais même pas pris la peine d’aller visiter ni le site, ni la page MySpace. Finalement, j’ai été bien inspiré parce que la surprise n’en a été que meilleure. Trio saxo-basse-batterie, Les Yeux de la Tête pratique un jazz rock énergique, aussi à l’aise avec les reprises ambitieuses (Zappa, Hendrix et… Stravinski) qu’avec ses propres compos. Les trois musiciens manient leurs instruments avec dextérité, sans pour autant tomber dans la démonstration technique. Quelque part entre le punk et le free jazz, leur musique dégage une pêche impressionnante. Je me suis dépêché après le concert d’aller voir ce que leur table merchandising proposait. Et paf : la caverne d’Ali Baba. Devant moi, une bonne douzaine d’albums auto-produits, tous limités à 100 exemplaires et emballés dans un très bel écrin en carton. J’ai opté pour l’album L’œuf du cyclone qui reprend la plupart de morceaux qu’ils ont joués ce soir-là. Une bonne pioche. Le reste est à consulter sur le site http://www.petitlabel.com/.

Hitch (Belgique)
Plus de 10 ans de carrière déjà pour le trio emocore originaire de Courtrai. Ce concert était l’occasion de présenter une brouette pleine de nouveaux morceaux. Des titres plus posés que ce qu’on avait pu entendre sur le précédent album We Are Electric. Ici, Hitch travaille plus sur les textures, avec de longues entrées instrumentales. Sur scène, Hitch demeure impeccable et si l’album à sortir en 2008 est de la même tenue que ce concert, ce sera sans doute leur meilleure ponte. A suivre.

Amen Ra (Belgique)
Fan convaincu de leur album Mass III, je n’avais pas encore eu l’occasion de les voir en live. Je m’attendais à me faire clouer sur place… et c’est exactement ce qui s’est passé. Ambiance funèbre (ils jouent sans lumière, juste quelques images projetées sur un rideau noir), son d’enfer, Amen Ra a pulvérisé nos neurones avec ses compositions lourdes et répétitives. Boum boum boum. Chaque morceau tourne à l’incantation mystique, oppressant jusqu’à l’asphyxie totale. Boum boum. A côté d’eux, Isis, c’est Les Musclés.

Quelques photos de cette soirée sur le site du Bear Rock.

La vidéo d’Amen Ra, angoissante au possible, tournée l’an dernier au Vooruit de Gand :

mercredi 5 décembre 2007

Leçon de cynisme n°1: crédit, pétrole et vaseline

L'actualité nous offre parfois des coïncidences cocasses. Ainsi, le 24 novembre dernier, plusieurs associations de consommateurs organisaient la journée nationale sans crédit. Plusieurs animations ont eu lieu dans des centres commerciaux et à la sortie de magasins d'hi-fi et d'électroménager réputés pour leur force de conviction quand il s'agit de vous endetter.

Pourquoi acheter ce bête téléviseur de 81 centimètres quand, pour seulement 10 euros de plus par mois, vous pouvez vous offrir le modèle 101 centimètres, tellement plus pratique pour regarder des âneries toute la journée, puisque vous n'avez que ça à faire quand vous êtes au chômage?

Cette journée avait pour but de sensibiliser le grand public à cette nouvelle forme de lèpre qui s'appelle le surendettement.

Le même jour, le gouvernement belge sortant (mais toujours là), décidait d'autoriser désormais les banques à octroyer aux particuliers des prêts «mazout». Objectif de la démarche: permettre aux citoyens aux revenus modestes de ne pas devoir supporter en une fois le coût de leur facture d'énergie, gonflée par la flambée du cours du baril de brut. Les banques pourront dorénavant prêter aux malheureux le montant de leur facture et se faire rembourser sur douze mois. Ironique quand on sait que les experts estiment que si le pétrole ne faisait pas l'objet d'une spéculation aussi féroce (de la part des banques notamment), son cours se situerait entre 51 et 78 dollars, soit bien en-deçà du seuil des 100 billets verts avec lequel il flirte actuellement. Ce sont donc ces mêmes banques qui, en plus de gonfler les prix à la pompe, encaisseront les intérêts sur les prêts qu'elles auront consentis au pigeon de service: le consommateur sans le sou. Fallait une sacrée dose de culot: chapeau!

Et toujours le même jour, en parcourant le journal Références (le supplément Emploi du Soir), je tombe sur cette annonce énigmatique:



Apparemment, la crise, ça crée quand même de l'emploi dans certains secteurs. Comme je l'écrivais en ouverture: l'actualité nous offre parfois des coïncidences cocasses.

dimanche 2 décembre 2007

WELL DEEP - 10 Years of Big Dada

Mea Culpa

Le hip hop, c'est comme la chimie: je n'y connais rien de rien. Pour la chimie, la raison est simple: à l'école, il fallait bien faire un choix entre les différentes matières, autrement, j'aurais dû suivre des cours de 6 à 23 heures, 7 jours sur 7. Ce sont donc les sciences qui sont passées à la trappe au profit des lettres et des langues étrangères. Maladroit comme je suis, je trouvais moins dangereux d'expérimenter avec la grammaire italienne qu'avec des éprouvettes remplies de je ne sais quelle substance potentiellement capable de faire sauter tout le quartier.

Pour mon ignorance en hip hop, il faut également remonter à mon adolescence. A l'époque le monde se divisait en deux. Pas entre ceux qui avaient une arme et ceux qui creusaient, mais bien entre EUX et NOUS.

EUX, c'étaient ceux qui roulaient des mécaniques parce qu'à 16 ans, ils avaient déjà l'immense honneur d'user leurs shorts sur les bancs des noyaux C du Sporting de Charleroi ou de l'Excelsior de Mouscron. La perspective d'une brillante carrière sur les pelouses des plus grands clubs d'Europe leur conférait cet air arrogant qui les autorisait à marcher les jambes arquées, le 501 remonté au-dessus du nombril pour que la couture leur rentre bien profond dans le cul. Les tifs gominés qui ressemblent plus à des tagliatelles qu'à des cheveux, les rouflaquettes taillées en pointes, le blouson Zino & Judy, le parfum capiteux aspergé outrancièrement, ces Zack Morris du Borinage pensaient dominer le monde parce que trois demi-pétasses acceptaient volontiers de partager avec eux une mitraillette fricadelle sauce Bicky au-dessus, sauce américaine en-dessous. Niveau musical, ces footeux écervelés que nous avions baptisés «les Gringo» (n'y voyaient aucune allusion raciste, l'immigration mexicaine est restée très limitée dans le Borinage) ne juraient que par Tupac, Dr. Dre et 113.

En réaction contre la domination de ces nouvelles idoles du ballon rond, NOUS, nous rejetions en bloc tout ce qui les unissait: le foot et le sport en général, les fringues Levi's, le gel capillaire... et le hip hop. Nous, qu'en retour ils baptisaient «les morts», nous préférions lancer le concours de celui qui tiendrait le plus longtemps sans changer de futal, nous teindre les longs cheveux en bleu et, évidemment, écouter tout ce qui s'éloignait le plus de ce que nous considérions comme leur sous-culture, j'ai nommé le hip hop, le R&B, voire la soul (quel crime). Voilà comment nos sacs à dos tagués MAG (Mort aux Gringo's) se sont retrouvés encombrés de cassettes de Sonic Youth, des Pixies et de Tool.

Nous avions 16 ans, nous étions cons comme des balais, mais voilà comment un simple repli identitaire causé par la starification des joueurs de foot a systématiquement balayé de mon univers musical tout ce qui ressemblait de près ou de loin au hip hop. Aujourd'hui encore, malgré plus de 10 années qui se sont écoulées depuis ce schisme fondamental, je peine à m'intéresser au hip hop.

C'est pourquoi cette double compilation du label Big Dada, succursale hip hop des britanniques de Ninja Tune, tombe à point nommé. Elle permet d'attester de la richesse et de la variété de ce courant musical, des racines reggae de Roots Manuva aux textes décalés des Français de TTC, du phrasé agressif d'Infesticons aux textures jazzy de Ty. Il y en a pour tous les goûts. Forcément, tout ne me plait pas (c'est le propre des compilations), mais ce double CD a le mérite de restaurer l'image d'une musique salement écornée par les clichés véhiculés par les clips vidéo des fumistes à la Puff Dady : des nanas à moitié à poil, des Hummer rose bonbon et des chaînes en or qui font bling bling.

Pour les incultes comme moi, c'est un document essentiel.

Les liens intéressants :

www.bigdada.com

vendredi 30 novembre 2007

Le décret "inscriptions" et les nouveaux fascistes

Chez ces gens-là, Monsieur, on ne se mélange pas

Pour resituer le problème, rappelons qu’en Communauté française de Belgique, il n’existe pas de carte scolaire, contrairement à ce qui se passe en France. Chez nous, jusqu’à l’année dernière, les parents étaient libres d’inscrire leurs enfants dans l’établissement de leur choix. Idyllique ? Pas vraiment puisqu’en pratique s’est développé un enseignement à deux, trois voire quatre vitesses, avec d’un côté des établissements ultra huppés où se rassemblent les fils et filles de bonnes familles triés selon des critères peu clairs et, à l’autre extrême, les bahuts « ghettos » où s’entasse une population d’origine modeste, souvent issue de l’immigration. Cette situation est particulièrement alarmante à Bruxelles.

Pour y remédier, le décret « inscriptions » instaure depuis cette année le principe du « premier arrivé, premier inscrit » pour toutes les écoles publiques, sans exception. But revendiqué : favoriser la mixité culturelle et sociale, une des valeurs censées être véhiculées par l’école. Les inscriptions ne pouvant être prises en compte qu’à partir de ce 30 novembre, on assiste à des scènes surréalistes où des parents ont fait la file pendant plus de 48 heures devant la porte de l’école de leur choix, pour être certains que leurs enfants fréquenteront une « bonne » école.

Faut-il les plaindre, eux qui bravent le froid et la pluie pour assurer à leur progéniture une éducation cinq étoiles ? Permettez-moi d’en douter. Quelle image véhiculent-ils sinon celle de parents qui sont prêts à tout pour éviter à leurs enfants de devoir se mêler à la populace ? Ils vilipendent la ghettoïsation de l’enseignement, mais ils en sont les premiers responsables. Une école ne naît pas « ghetto », elle le devient. Elle se définit par la population qui la fréquente. Sans « mauvaise » école, pas de bonne. Alors forcément, les « ghettos », ils y sont favorables… pour les autres. Aujourd’hui, à Bruxelles, il existe des établissements scolaires réputés qui ne comptent qu’1 % d’élèves d’origine étrangère, dans des communes où les allochtones comptent pourtant pour 50 % de la population totale. Tous égaux devant l’enseignement ? Mon cul !

De quoi s’offusquent-ils, ces parents, sinon de perdre leurs privilèges de nantis ? En faisant la file nuit et jour devant les « bons » établissements, ils démontrent par l’absurde qu’à leurs yeux leur gosse veut mieux qu’un autre. Que chez eux, on ne mélange pas les torchons et les serviettes. Les pauvres, les arabes et les débiles, qu’ils restent entre eux. Les fils de bonne famille préfèrent se barricader dans ces écoles bourgeoises, bien à l’abri de la réalité extérieure, protégés par les œillères que leur ont greffés depuis la naissance ces parents obtus. Pour eux, une bonne éducation, c’est forcément la discipline, la rigueur, l’excellence, la compétition, le formatage et le bien penser. Et surtout, surtout, ce sont des classes où jamais on ne débattra du port du voile, où jamais un gamin n’arrivera avec un œil au beurre noir parce que son père lui a collé une droite, où jamais on ne fumera d’herbe, où on ne sait même pas ce que signifient les termes « grossesse précoce », où le ramadan tient des rites exotiques au même rang que le hara-kiri où les plats à base de viande de chien, où le chômage du père est toujours considéré comme une maladie honteuse.

Ces gens-là, ce sont les mêmes qui décrient le déclin de la Wallonie, mais préfèrent laisser leur fils rater trois fois Solvay (aux frais de la Communauté) plutôt que de le réorienter vers une formation en maçonnerie. Chez eux, l’enseignement technique et professionnel, c’est bon pour les pauvres, les arabes et les débiles. Chez eux, on sera avocat, médecin ou ingénieur et tant pis pour la pénurie de main d’œuvre qualifiée. Comment justifier lors de la prochaine réunion du Rotary Club que le petit dernier est devenu conducteur de grues sur les chantiers (il en manque des centaines) ? Vous imaginez la honte ?

Alors à ces gens-là, et aux journalistes qui relaient leurs complaintes, je dis merci. Merci d’avoir publié la liste des établissements devant lesquels on fait la file. Merci de les avoir pointés du doigt. Parce que désormais, j’ai la liste complète des écoles où, jamais, je n’inscrirai mes enfants.

Photo : http://www.lesoir.be/

mercredi 28 novembre 2007

Vintage Tooncast

En l'an 40 avant Casimir...

Certains le savent peut-être: avant de faire les mariolles avec Air Jordan, Bugs Bunny et ses potes ont participé à l'effort de guerre contre herr Hitler. Je vous parle d'un temps que les moins de 60 ans ne peuvent pas connaître, et justement, ça fait un tel paquet de lustres que tous ces dessins animés sont tombés dans le domaine public. Et grâce à Vintage Tooncast, ils sont disponibles gratuitement sur le net, en toute légalité.

On peut donc regarder Daffy Duck mener la vie dure à un lieutenant nazi, ou Bugs Bunny inciter les Américains à soutenir financièrement l'effort de guerre. Il y a un je ne sais quoi d'ironique à voir ces cartoons de propagande, dont l'humour est en tous point semblable à celui des Looney de notre enfance. A ce titre, la palme revient à Private Snafu, une série destinée aux boys partis au front. On y découvre le bidasse Snafu, confronté au quotidien de la vie du soldat: les espions, la censure, le camouflage...Excepté le trait un peu vieillot, tout dans ce dessin animé, qui avait pour but de divertir et sensibiliser les troupes, fait penser à Tex Avery: l'imagination graphique, l'animation, les mimiques...il faut le voir pour le croire. Et ça reste drôle, encore aujourd'hui! Ne passez surtout pas à côté de l'épisode Spies, sans doute le meilleur de la série.

Cet excellent podcast propose aussi des dessins animés produits par les grandes industries américaines, où l'on découvre par exemple une version de Cendrillon dans laquelle le carrosse fait place à une Chevrolet, ô combien indiquée pour braver les intempéries provoquées par une sorcière old school, bien méchante, que je vous cite pendant qu'elle regarde ailleurs:
I'm always in an angry mood [je suis toujours de méchante humeur]
I like to poison people's food [J'aime empoisonner la nourriture des gens]

Heureusement, où il y a des méchants, il y a aussi des gentils, et Vintage Tooncast nous en a dégotté un de taille.: Superman. Rien de moins. Dans cette vieille version, où apparaît le thème dont se servira John Williams pour les films, l'ennemi est souvent japonais. Il a de grandes dents, l'air sournois et aime se tenir courbé. Heureusement, Superman veille, sans kryptonite pour lui ôter ses pouvoirs. Comme l'ennemi est foncièrement mauvais, pas besoin de s'embarrasser à affaiblir l'homme d'acier. Un dessin animé à voir avant ou après avoir lu Red Son, dont il augmente la portée. A voir aussi pour le mythique: "It's a bird, it's a plane, it's Superman". Je conseille vivement l'épisode The Japoteurs, qui rappelle étrangement la scène d'intro de Superman Returns.

Toujours au rayon gentils, ne ratez pas Popeye et ses boîtes d'épinards qui le rendent invincible, alors que, moi, elle me rendent malade.

Tous ces dessins animés séduisent par leur charme désuet, même si certains ont mal vieilli. Paradoxalement, j'aime leur côté ouvertement propagandiste et leur humour qui flirte à pleine langue avec le racisme: je me dis qu'à l'époque, les gens regardaient tout ça sans être choqués. Et je me demande ce que penseront les gars de New Kicks, dans 60 ans, quand ils regarderont Casimir...

Le site: www.vintagetooncast.com

mardi 27 novembre 2007

Des matamores à Paris

Allo? Allo?

Message à nos amis parisiens : ne manquez pas la soirée du label belge Matamore qui se tiendra ce vendredi 30 novembre au Centre Wallonie - Bruxelles. Vous y découvrirez entre autres Sepia Hours qui, il y a quelques mois, nous accordait ici-même une très longue interview.

La Blogothèque a réalisé un dossier très complet sur les différents artistes à l'affiche. En cherchant bien, vous aurez peut-être même l'impression d'avoir déjà lu certains passages...

Nous savons que chez vous, le vendredi soir n'est pas réservé à la mitraillette poulycroc sauce samouraï (chez nous, la mitraillette du vendredi, c'est sacré). Vous n'aurez donc aucune excuse. Nous, à la limite, on peut encore prétexter la crainte d'une grève du rail.

lundi 26 novembre 2007

Emily The Strange - Morte d'ennui

All Blacks

Les Editions Soleil sortent une première reliure des aventures d'Emily The Strange, l'anti-héroïne imaginée par Rob Regers. Jusqu'ici, les BD d'Emily n'avaient pas eu droit à une traduction française. Pour moi, jusqu'alors, Emily n'était qu'une icône gothique, condamnée à trôner dans les vitrines de magasins de gadgets aux côtés des pyjamas La Famille Addams, des strings L'Etrange Noël de Mr. Jack, des bavoirs Massacre à la Tronçonneuse et des aiguilles à tricoter à l'effigie de Norman Bates. C'est donc avec une certaine excitation que je me suis plongé dans ce premier volume, sous-titré Morte d'Ennui. Enorme déception. Je m'attendais à dévorer ce très beau livre en quelques minutes. Il aura finalement traîné de longues semaines aux toilettes avant que je me décide à en terminer la lecture.

Pourtant, l'univers graphique est fascinant : dans un décor tout en noir, rouge et blanc, Emily cache derrière son visage de Playmobil un profond mal de vivre, qu'elle soigne en créant des mixtures hallucinogènes, en invoquant des créatures monstrueuses ou en se mutilant. C'est donc une adolescente totalement barrée qui nous raconte ses déboires. Extrait choisi :

"Les gens me demandent souvent pourquoi je m'habille en noir. Je leur réponds que c'est parce que personne n'a rien inventé de plus sombre. Et ensuite je menace de manger leurs enfants."

Mais alors, qu'est-ce qui cloche dans ces histoires ? Le problème, c'est que les mini-histoires d'Emily n'ont ni queue, ni tête. Ses délires psychotiques font sourire au début, mais je m'en suis très vite lassé. Après une vingtaine de pages, j'en avais même carrément plein les bottes. Les planches sont visuellement très réussies mais les récits manquent cruellement d'imagination. De digression en digression, j'en ai perdu mon latin et, au final, je n'en ai pas retenu grand chose : de chouettes couleurs, quelques autocollants sympas et un bon avertissement. En effet, après avoir lu ça, je réfléchirai à deux fois avant de laisser traîner une boîte d'allumettes ou un couteau de cuisine à proximité de ma fille.

Pour la critique de la société consumériste et machiste, je préfère cent fois Daria, le fabuleux dessin animé qui passait sur MTV à la fin des années 90. Pour Emily The Strange, je m'en tiendrai aux figurines... et à la très belle édition limitée de l'Epiphone G-310.

Le lien :

dimanche 25 novembre 2007

Le OFF

Le livre ouvert

L’idée courait sur Rezolibre.net depuis le mois d’août. On parlait d’une annonce officielle en septembre, qui ne vint pas, laissant tout le monde dans l’expectative. Cette fois c’est officiel : cette année verra la première édition de la foire du livre « off » de Bruxelles, dite aussi le OFF. Petit flashback.

L'an dernier, un groupe de 4 éditeurs indépendants (Biliki, Maelström, Fremok et La 5e couche) organisait un die-in au beau milieu de la Foire du Livre de Bruxelles. Le but de la manoeuvre était, oh surprise, de protester contre le manque de visibilité accordé aux petits éditeurs dans la grande kermesse annuelle. Il faut croire que le message n'était pas assez clair, vu que le dialogue qui s'en est suivi avec l'organisation n'a mené nulle part.

Face à cette impasse, nos irréductibles (rejoints par Rezolibre et Littératures pirates) ont donc décidé d'organiser une foire OFF, alternative, l’événement de ceux qui aiment les livres, pas de ceux qui aiment les vendre.

Organisé aux mêmes dates et à deux pas de la foire « in », le OFF se veut l’espace de créativité et de découverte qu’elle n’est pas. Plutôt que de vous fourguer le dernier Nothomb, le OFF vous proposera de vous frotter à diverses formes de création, de l’essai littéraire au cinéma, en passant par la vidéopoésie. Quant au livre, il prendra le pas sur l’éditeur, puisqu’il n’y aura pas de stands comme on en voit de l’autre côté., seulement de grandes tables de livres (néanmoins regroupés « par éditeurs et/ou par thèmes » dit le communiqué de presse).

Le programme, encore encours d’élaboration, comprendra différents événements, dont sans doute l’un ou l’autre concert. Du côté des participants, à côté des éditeurs belges, on retrouve des Français, Italiens, Sénégalais, Américains, et la liste devrait s’allonger, en tout cas on l’espère.

Du côté des auteurs, la porte est ouverte aux talents en devenir, et de différents horizons, y compris les blogs, MySpace et la sphère web en général. Il suffit d’envoyer un mail : contact@le-off.be

Il y a aussi un concours de videos à filmer au GSM, qui sont publiées au fur et à mesure sur YouTube et seront diffusées lors du OFF.

Ca se passe au CIFAS, du 5 au 9 mars 2008 et l’entrée est gratuite. En cas d'absence, aucune excuse ne sera acceptée.

Le site officiel: www.le-off.be



samedi 24 novembre 2007

Roscoe hors circuit

La clé du succès ?

Le cd traditionnel aurait-il du plomb dans l'aile ? Après l'album de Prince distribué gratuitement aux lecteurs d'un journal anglais, après l'album de Radiohead téléchargeable en ligne pour un prix que l'internaute était libre de déterminer, après les albums d'Einstürzende Neubauten qui sortent en primeur pour les abonnés du site web, voici une nouvelle initiative qui commence à faire couler de l'encre. Le groupe belge Roscoe, lauréat de la dernière édition du concours Pure Demo, s'est associé à un fabricant de clés USB pour distribuer ses morceaux. En pratique, Dane-Elec placera dans les rayons 10 000 clés USB sur lesquelles sont stockées deux chansons de Roscoe. Les musiciens liégeois précisent qu'ils ne toucheront aucune compensation financière pour la mise à disposition de leurs oeuvres mais y voient une excellente manière de toucher un public plus large en attendant la sortie d'un premier EP... sur cd cette fois. Pour asseoir sa notoriété, le distributeur organisera un concert exclusif au Botanique le 21 décembre prochain, auquel les clients pourront se faire inviter via un concours téléphonique.
Pour la petite histoire, on notera que Roscoe pratique une pop électro dans la lignée de Giardini Di Miro, Archive ou The Cooper Temple Clause.

Les liens intéressants

Le site officiel : www.roscoe.be
Sur MySpace : www.myspace.com/listentoroscoe

mercredi 21 novembre 2007

Shining en live et bientôt chez nous

Les Norvégiens de Shining effectuent actuellement une mini-tournée européenne. Pour un aperçu de ce que donne en live leur cocktail délirant de free-jazz et de metal progressif, voici la vidéo de l'intégralité d'un concert donné cet été en Norvège. Oreilles fragiles s'abstenir.

Les dates de la tournée :

10/12/2007
SHINING / HELLSAW / SKITLIV
Rotterdam (NL) Waterfront

11/12/2007
SHINING / HELLSAW / SKITLIV
Aarschot (BE) Klinker

12/12/2007
SHINING / HELLSAW / SKITLIV
Lille (FR) La Rumeur

14/12/2007
SHINING / HELLSAW / SKITLIV
Nantes (FR) Le Ferrailleur

15/12/2007
SHINING / HELLSAW / SKITLIV
Luynes (FR) Korigan

16/12/2007
SHINING / HELLSAW / SKITLIV
Lausanne (CH) Le Romanie

17/12/2007
SHINING / HELLSAW / SKITLIV
Lyon (FR) Lyon's Hall

18/12/2007
SHINING / HELLSAW / SKITLIV
Zurich (CH) Dymano werk21

Source: http://www.ablazine.com/
Site officiel : http://www.shining.no/
La chronique du dernier album ici.

dimanche 18 novembre 2007

Sonic Youth – Daydream Nation (Deluxe Edition)

20 ans et toutes ses dents

Est-il possible de se faire sérieusement secouer par la réédition d’un album qu’on connait déjà par cœur ? A cette question, Sonic Youth répond par la sortie de cette édition « Deluxe » du légendaire Daydream Nation (1988). J’avais déjà pu mesurer l’épaisseur et la richesse du back catalogue de Sonic Youth à l’occasion des rééditions de Goo et Dirty. Mais ici, je me prosterne, je m’incline et je demande pardon d’avoir un soir osé remettre en doute leur statut de meilleur groupe de rock de l’univers depuis l’invention de la roue.

Pour Goo et Dirty, Sonic Youth s’était « contenté » de nous servir en bonus une impressionnante liste d’enregistrements démo et de titres inédits. Pour Daydream Nation, Geffen prend le pari de miser sur les enregistrements live. On retrouve donc, d'un côté, l'album original agrémenté d'une version démo totalement dépouillée d'Eric's Trip. Première claque : on découvre ici qu'avant de devenir un des morceaux phares du groupe, la première version de ce concentré d'adrénaline pure avait été imaginée comme une chanson folk, incroyablement paisible. Pour l'histoire de l'album Daydream Nation, je vous renvoie au livret très réussi qui reprend des textes de journalistes musicaux, de producteurs et quelques coupures de presse d'époque.

De l'autre côté, le second disque reprend chaque morceau de l'album, enregistré en live, ainsi que quatre reprises qui traînaient jusqu'alors dans des cartons. Et voici la deuxième mandale.

On pourra toujours discuter pendant des semaines pour savoir quel est le meilleur album de Sonic Youth. Mais il n'y a aucun doute possible sur le fait que Daydream Nation est le plus riche et le plus homogène. Cette impression se retrouve encore consolidée avec le deuxième disque de cette réédition. Captés en live, les 14 titres de Daydream Nation révèlent toute la puissance, la rage et la colère qui animaient les quatre New Yorkais à la fin des années 80. L'éditeur a su faire preuve de clairvoyance : plutôt que de proposer un concert dans son intégralité, Geffen et Sonic Youth ont sélectionné le meilleur de 6 prestations live, captées au légendaire CBGB's, mais aussi à Amsterdam ou Dusseldorf. Résultat : le fin du fin, un son d'enfer et des musiciens déchaînés qui donnent tout sur scène. Pour preuve cette version renversante d'Eric's Trip, poussée à l'extrême, qui contraste avec l'étonnante démo du premier disque. Toute la puissance du groupe se libère sur Eliminator Jr, Silver Rocket ou Rain King. Ce qui ne les empêche pas de se montrer plus souples comme sur l'intro de Teenage Riot ou le final de The Sprawl. Le reste est une démonstration du talent et de l'inspiration de Sonic Youth, au meilleur de sa forme. Et quand ils jouent comme ça, ce sont tout simplement les meilleurs des meilleurs. Presque 20 années se sont écoulées depuis ces enregistrements (1988), mais il est indéniable que ces morceaux n'ont pas pris la moindre ride.

Pour ne pas gâcher notre plaisir, cette réédition s'achève sur quatre reprises : des chansons des Beatles, de Mudhoney, de Neil Young et de Captain Beefheart. Et voici la troisième gifle de la semaine : Within You Without You (tirée de Sergent Pepper) est réinterprétée à la sauce Velvet Underground, dans un surprenant mélange de saturations et de sifflements.

J'ai longtemps hésité à acheter cette réédition (27 euros à la Fnac, ça fait un peu cher). Puis, un internaute peu inspiré s'est débarrassé d'un exemplaire quasi neuf... pour mon plus grand plaisir. Aucun regret : des disques pareils, j'en redemande. Reste que j'ai raté la tournée de cet été où Sonic Youth rejouait l'intégrale de l'album, ce qui va être un peu difficile à digérer.

Le lien incontournable : www.sonicyouth.com (avec aussi quelques inédits à télécharger gratuitement)

mercredi 14 novembre 2007

Vincent et la guerre

Et le dictionnaire des rimes en –ère

Printemps, été, automne, hiver
Tu es l’invité de La Première
Sur les élections, tes commentaires
Nous font rêver dans nos chaumières.

Tous ces sondages tu les enterres
Chute d’Ecolo, gain du MR
Un point devant, deux points derrière
La marge d’erreur, elle t’exaspère.

Les Di Rupo, les De Decker
Et les Javaux, les De Wever
Tu les connais mieux que tes frères
Tes analyses, on les vénère.

Depuis cinq mois de cette guéguerre
Et ces palabres communautaires
Tu ne dors plus, ils exagèrent
Tu rêves d’un week-end à la mer.

J’ai épuisé mon dictionnaire
Et usé toutes mes rimes en –ère
Alors pardonne ces derniers vers
C’est pas ma faute, je dégénère.

Merci. Ne sois pas trop sévère
Car pour moi tu restes un mystère
Un corps ? Une bite ? Une pomme de terre ?
C’est toi Vincent de Coorebyter.

C’était Vincent et la Guerre, ode à Vincent de Coorebyter, président du Crisp, qui en a marre d’être invité partout pour analyser la situation politique. Foutez-lui la paix, bordel !
J’espère que Bertrand Burgalat acceptera de mettre mes vers en musique.



En avant-première, je vous propose mon nouveau poème de saison :

Le Beaujolais Nouveau

Je noie ma tristesse dans le mauvais vin
Et mon nez ressasse ces effluves de boudin
Qui jamais n’apaiseront mon profond chagrin
Chaque fois que revient Anne-Marie Lizin.


mardi 13 novembre 2007

L'humour drôle qui fait rire vs. l'humour pas drôle mais qui fait rire quand même

Lol, mdr, mouarf, :-D

Prenons le temps de marquer une pause et profitons de ces quelques blagues irrésistibles :

Que fait un crocodile mâle pour séduire un crocodile femelle ?
Il l’accoste.

Pourquoi Dieu n’a-t-il donné que deux seins aux femmes ?
Parce qu’il n’a donné que deux mains aux hommes.

C’est quoi un demi-flic ?
Un flic qui ne sait ni lire.

Ces blagues à trois sesterces sont les pièces maîtresses de votre répertoire de boute-en-train ? Vous êtes en train d’apporter la touche finale à votre Précis d’humour bourrin, préfacé par des jongleurs du verbe aussi talentueux qu’André Lamy, Marc Herman, Jean Roucas ou, mieux, les Frères Taloche, ceux qui ont réussi à faire 15 ans de carrière sur un seul sketch ? Vous ne ratez jamais une occasion d’en lâcher une sur les Juifs à une bar-mitsva. Et lors du dernier repas de famille, quand votre cousine est venue accompagnée de son nouveau petit copain d’origine gabonaise, vous avez épaté la galerie avec votre imitation très personnelle de l’accent petit nègre.

Si je viens de dresser votre portrait craché, alors vous avez toutes vos chances de remporter le titre du Belge le moins drôle. Ce concours, organisé à l’occasion de l’ouverture du Musée du Rire de Rochefort, s’adresse à tous les Belges qui racontent les blagues les plus nulles et déblatèrent les calembours les plus foireux. Les dossiers d’inscription sont à rentrer pour le 5 décembre au plus tard. Attention toutefois, il est interdit d’inscrire quelqu’un d’autre. Et tant pis pour ces messieurs qui étaient déjà en train de remplir la candidature d’Yves Leterme. S’il souhaite participer, le rigolo du dimanche midi devra faire preuve de suffisamment d’autodérision pour envoyer sa candidature lui-même ! Et toc.

Les candidats sélectionnés pourront ensuite s’affronter sur les planches et un jury d’experts (François Pirette ? Mike ? Frédéric Jeannin ?) désignera alors le grand gagnant. Celui-ci deviendra membre d’honneur du musée du rire, auquel il aura accès gratuitement… à vie !

Waow ! Rien que ça !

Le précieux lien : http://www.museedurire.be/

dimanche 11 novembre 2007

Future of the Left - Curses

Gauche radicale

On reparlera encore pendant de longues années de l'héritage de McLusky, trio gallois explosif qui dynamita le punk au début des années 2000. Incontrôlable sur scène, en studio, mais aussi dans son quotidien, McLusky a jeté l'éponge en 2005 après la sortie d'un troisième album au titre évocateur : The difference between me and you is that I'm not on fire. Le détricotage du groupe avait commencé avec l'expulsion d'un premier batteur viré à coups de pieds au cul. Malgré les efforts consentis, McLusky a dû se rendre à l'évidence : ce trio était trop étroit pour contenir les caractères en acier trempé de ses membres.

Le divorce prononcé, le bassiste John Chapple s'en alla fonder Shooting At Unarmed Men, avant de s'exiler à Melbourne. C'est maintenant le guitariste-chanteur Andy Falkous qui revient à la charge, accompagné du dernier batteur de McLusky, à la tête de Future Of The Left. Avec dans ses cartons Curses, premier album détonnant. Première constatation : depuis l'époque McLusky, Falkous a perdu une trentaine de kilos et s'est laissé pousser les tifs, ce qui lui donne un look qui tient plus du figurant dans Friends que du joueur de rugby. Pourtant, qu'on ne s'y trompe pas : l'animal n'est pas prêt à s'enfiler des cafés au Central Perk au bras de Jennifer Aniston. Pour notre plus grand bonheur, il reste bien décidé à balancer un rock dopé à la testostérone et aux pintes de bière blonde.

Sur ce premier album, on retrouve donc la suite logique de l'évolution qu'avait prise McLusky, passant d'un grunge rock assez basique des débuts à un punk hardcore maculé de refreins tantôt hurlés, tantôt pop. Le son est toujours aussi typé : une rythmique solide imposée par un duo basse-batterie qui déboule sur chaque morceau comme un troupeau de bisons fuyant un tsunami. Sur cette base viennent se greffer la guitare et la voix écorchée d'un Falkous toujours aussi énervé, mais qui n'a rien perdu de son sens de l'humour. En atteste le premier single, Adeadenemyalwayssmellsgood, qui n'est pas sans rappeler les débuts punk des Beastie Boys.

Les liens intéressants:

Le site officiel de Future Of The Left : www.futureoftheleft.com/
Sur MySpace : www.myspace.com/futureoftheleft

Le site officiel de Shooting At Unarmed Men : http://www.shootingatunarmedmen.com/
Sur MySpace: www.myspace.com/shootingatunarmedmen

Le plein de vidéos :

Le clip de adeadenemeyalwayssmellsgood :



Un vidéo live de The Lord Hates A Coward:



Et enfin, une vidéo surréaliste de McLusky à l'émission Pop Factory:

samedi 10 novembre 2007

Si tu m'emmerdes, je te vends sur ebay

Après la Seconde Guerre mondiale, la Belgique a connu une des plus graves crises de son histoire, la fameuse "question royale". Pour nos amis d'outre-Quiévrain (et tous les autres aussi d'ailleurs), rappelons que cet épisode avait divisé le pays entre ceux qui étaient favorables et ceux qui étaient opposés au retour au pays du Roi Léopold III. Sous l'occupation, celui-ci s'était réfugié chez l'ennemi allemand pendant que ses sujets bouffaient du schrapnel, ce qui n'avait pas plu à tout le monde. Dans l'immédiat après-guerre, quand le royaume traversait une crise, la tradition consistait alors à descendre dans la rue, attaquer la voirie avec un bon outillage et balancer les précieux pavés ainsi récoltés sur le camp adverse. Dommage que la télévision ne fût pas encore suffisamment répandue pour en laisser une trace indélébile. Mais ceux qui ont la chance de compter encore des grands-parents de plus de 85 ans, si possible issus des milieux ouvriers, savent qu'à l'époque, la poésie s'écrivait au pavé. Comme le chante Sanseverino, à l'époque "on rentrait d'une manif les deux arcades ouvertes".

Soixante ans plus tard, la Belgique redécouvre ses vieux démons. On s'enfonce de crise en crise et chaque jour apporte son lot de déclarations à l'emporte pièce. Ceux qui osaient encore contredire la théorie de l'évolution en ont pour leur compte : en soixante printemps, l'Homo Belgicus a évolué. Aujourd'hui, quand son pays s'embourbe à cause des cervelas qu'il a élus cinq mois plus tôt, l'Homo Belgicus laisse le macadam tranquille. En 2007, quand il est fâché, le Belgicain de base sort son drapeau du grenier et le pend à son balcon (ou plutôt, il court en acheter un dans une boutique pour touristes). Ensuite, il lance des pétitions sur le net qu'il ira remettre ce 18 novembre à Bruxelles en faisant la fête toute la journée. Enfin, et c'est bien là le stade ultime de l'évolution, il liquide ses symboles sur ebay.

Il y a deux mois, un plaisantin avait mis en vente le Royaume de Belgique. Cette semaine, c'est Yves Leterme qui se retrouve au rabais sur le célèbre site de vente aux enchères. Le texte d'accompagnement précise l'état de l'objet : "Premier ministre n'ayant jamais servi. Que quelques kilomètres au compteur." On est bien d'accord, ça ne sert strictement à rien. D'ailleurs, le site s'empresse de retirer l'objet dès que le méfait commence à faire du bruit. Mais avouez que c'est drôle. J'imagine la réaction du principal intéressé, lui qui sait faire preuve de tant d'auto-dérision. Une capture d'écran est toujours visible ici.

Finalement, c'est peut-être ça le surréalisme à la belge. Le pays sombre, tout le monde se cabre et on trouve encore le moyen d'en rire. On milite de chez soi, en faisant le clown derrière son clavier et on balance connerie sur connerie sur le net.

Enfin, en guise de conclusion, je me permets de revenir quelques instants sur la marche pour l'unité, du 18 novembre prochain. J'ai publié (et je publie toujours d'ailleurs) sur ce site les liens pour signer les deux pétitions en cours, la première réclamant le maintien de l'unité de la Belgique, la seconde militant pour le maintien de la solidarité entre tous les Belges (la nuance est infime). J'ai relayé la semaine dernière un article du Pan qui dénonçait ce qui semble être un zeste d'ingérence politique derrière le mouvement "I want you for Belgium", à la base de la première pétition et organisateur de la manif de dimanche prochain. D'après le Pan, le mouvement bénéficierait du soutien logistique et financer du parti CDF (les Chrétiens Démocrates Francophones, devenus depuis peu les Chrétiens Démocrates Fédéraux), petit parti de droite catholique conservatrice et traditionnaliste.

Comme je l'avais déjà écrit, je ne suis pas allé vérifier la véracité des infos du Pan. Mais un nouvel élément a attiré mon attention ce matin : en tant que signataire de la pétition, j'ai reçu un email des organisateurs de la manif. Jusque là, rien d'anormal. Oui, mais le mail renvoie vers un site qui propose de s'inscrire à la manif en remplissant un formulaire en ligne. On y demande mon nom, mon adresse email, mon code postal, le nombre de personnes présentes, le moyen de transport utilisé, etc. La page précise qu'il s'agit de "prévoir votre sécurité et n'engage a rien." Or, on n'y trouve aucune mention de l'utilisation qui va être faite de ces données, ni la petite case habituelle à cocher sur la protection de la vie privée.

Pour avoir déjà usé mes semelles sur quelques manifs, je ne me souviens pas qu'on m'ait jamais demandé de m'inscrire à l'avance, ni même de donner mes coordonnées, sans même savoir à qui je m'adresse. Je vire peut-être parano, mais il me semble que le mouvement est en train de perdre de plus en plus de sa crédibilité. Conclusion : je ne manifesterai pas ce 18 novembre à Bruxelles. Je continuerai à militer derrière mon écran, bien au chaud dans mes pantoufles doublées en fausse laine de mouton.

Par contre, puisqu'il est bon de se mobiliser pour les grandes causes, je vous rappelle que le 8 décembre prochain sera la journée internationale de mobilisation contre les changements climatiques. Ici, on ne manifestera pas seulement pour dire qu'on est contre le réchauffement de la planète, mais surtout pour demander à nos représentants de prendre enfin l'environnement en considération dans l'élaboration d'un éventuel futur gouvernement. Je sais, on n'y est pas encore, mais bon, ce sera sympa...