lundi 11 août 2008

Doré à souhait à Mallemort – épisode 2 de 3

Pilonnage de l’oreille interne

Moi partir sans musique = fumeur partir sans clopes. Pas possible.

Les écouteurs maladroitement calés dans le creux d’un conduit auditif transpirant un élixir de crème solaire et de thym, je passe en revue ce qui gît depuis si longtemps sur un disque dur au bord de l’apoplexie.

Les valeurs sûres : Mudhoney et les Melvins

N’aurait-on pas voulu envoyer Mudhoney un peu trop vite à la maison de retraite ? Finalement, avoir loupé le train de la hype qui a entouré le grunge et Seattle dans les années 90, n’était-ce pas la meilleure chose qui pouvait arriver au groupe de Mark Arm ? Certes celui-ci ne vit pas de sa musique et a décroché un boulot à mi-temps dans les entrepôts de Sub Pop pour boucler ses fins de mois. Certes le guitariste Steve Turner est devenu jardinier. Mais que reste-t-il de Soundgarden ou Alice In Chains aujourd’hui ? Et qui va se charger de retirer les piles du lapin Dave Grohl ?

Loin de ces considérations mercantiles, Mudhoney continue à sortir ses « petits » albums de rock garage, selon cette bonne vieille recette du couplet-refrain-couplet-refrain-pont-refrain. Les guitares fuzz conservent leurs lettres de noblesse, même si les décharges punk de Piece of Cake et My Brother The Cow font désormais partie de l’histoire. Pour être tout à fait honnête, j’ai eu un peu de mal à passer le cap des trois premiers morceaux de ce nouvel album, un peu trop prévisibles à mon goût. Avec les années, le blues rock s’est invité à la table de Mudhoney, ce qui n’était pas forcément pour me plaire. Mais à force d’insister, j’ai retrouvé un peu de cette colère d’antan subtilement distillée dans des titres tels que The Open Mind, Next Time, The Lucky Ones, Tales of Terror.

Dans la même catégorie des vétérans de Seattle, les Melvins n’ont jamais non plus vendu leur âme au diable. Trop tordue pour être punk, pas assez sérieuse pour être classée dans le métal, mais trop lourde pour n’être que du rock, leur musique continue à me fasciner. Ce phrasé, ces riffs, ce jeu de batterie, souvent imités, jamais approchés. Mention spéciale pour l’instrumental Suicide In Progress. Je ne connais que les Melvins pour placer des claps claps dans la rythmique d’un morceau aussi racé.

Les écorchés vifs : Buried at Sea

L’EP Ghost est sorti il y a un an. L’accouchement fut tellement douloureux que le groupe n’y a pas survécu et s’est séparé avant sa parution officielle. Ne cherchez pas : Buried at Sea n’est plus. Pour comprendre les raisons de ce split prématuré, il suffit de se plonger dans cet unique morceau de 29’58’’. Epreuve douloureuse comme une opération des dents de sagesse sans anesthésie, j’en ressors systématiquement avec un mal de mâchoire. On ne peut pas s’empêcher de serrer les molaires à l’écoute de ces longues digressions, jouées à la masse, au burin, au bélier, au canon anti-char. Quand ne surgissent pas soudain des hurlements étouffés, c’est la basse qui joue la même note pendant 5 minutes. Curiosité musicale, Ghost ne semble se libérer qu’à 29’40’’, soit… 18 secondes avant la fin de cette pièce unique. Hypnotique, avilissant, nerveusement épuisant, mais totalement indispensable.

Les extraterrestres : Sigur Ros

Extrait d’une conversation imaginaire au café de la gare.

Elle : Tu connais Sigur Ros ?
Lui : Ouais, bien sûr. Les bonbons à l’ananas quand on était petit.
Elle : Tu confonds avec les Sugus, conard.

Il y a dix ans, j’appréciais un peu Sigur Ros. Juste un peu. Je les tolérais. Je pouvais écouter leurs albums sans attraper des boutons. Ça passait par une oreille, ça ressortait par l’autre. C’était comme regarder le bleu Klein. Ben ouais, c’est bleu. Et alors ? Mais c’est vrai que c’est un beau bleu.

Puis, j’ai vu Sigur Ros cet été à Arras. Et je suis resté sur le cul. Je m’attendais de nouveau aux chants des baleines islandaises. Et ben non. Maintenant, Sigur Ros fait de la musique (pop). Et chante (!) en mandarin, en lingala, en luxo, en martien, en ch’ti, en anversois ou en islandais. En tout cas, une langue que je ne comprends pas. Avec des guitares, des cuivres, des pianos, des refrains, des mélodies, des choristes et même des fanfares. Des chansons, quoi ! Comme ça vient du grand nord, de surcroît, ça ramène un vent frais pas désagréable du tout. Résultat immédiat : une folle envie de se foutre à poil et de courir dans l’herbe. Tiens, c’est marrant, c’est justement ce que suggère la pochette. Et puisque ça t’intéresse, mon morceau préféré, c’est Inní mér syngur vitleysingur. Pas facile à chanter, mais sifflé, ça passe tout seul.

Les intouchables : Tindersticks

Il suffit de parler d’une seule chanson pour résumer ce dernier album de Tindersticks. Le titre The Hungry Saw est tout simplement une des plus belles chansons entendues dernièrement. Troublante, diabolique, vénéneuse, sadique. Tellement sage a priori et pourtant terriblement vicieuse. Ne te fie pas à cette guitare virevoltante, ces gars-là sont des tueurs, des tortionnaires. Intouchables, les Tindersticks. Et un texte…. Mais un texte…

The first cut is the skin
The second is the muscle
And then a crack of bone
And he’s at your heart


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