vendredi 14 août 2009

L'album : in memoriam


Thom Yorke l’a annoncé : Radiohead ne devrait plus sortir d’album. Le groupe d’Oxford se contentera désormais de sortir des singles et des EP qui seront téléchargeables sur le net. On imagine que les œuvres seront toujours disponibles sur format physique pour les nostalgiques et les vieux réacs comme moi. Néanmoins, la démarche de Radiohead, si elle ne s’en prend pas directement au support cd en tant que tel, a le mérite de consacrer ce qu’on avait déjà tous constaté depuis la fin du siècle dernier sans oser le reconnaître : la mort du format album.

Depuis des années, je me gratte la tête en me demandant ce qui pousse encore tous ces groupes à ajouter trois morceaux médiocres composés entre la poire et le dessert pour atteindre péniblement les 40 ou 45 minutes communément acceptées pour baptiser l’objet « album ». En tant que lecteur fidèle, tu connais désormais par cœur cette formule que je répète tous les soirs en m’endormant : « Mieux vaut un bon EP qu’un album moyen. »

A les réécouter de plus près, je dois avouer que même mes albums préférés possèdent tous ce petit creux, cet essoufflement passager, ce coup de mou à mi-parcours qui aurait mérité un travail d’élagage plus radical. Condenser son talent créatif sur une petite vingtaine de minutes et sortir des cd plus compacts [avoue qu’elle est belle, celle-là], voilà la recette qui sauvera la musique. On peut même écrémer Ziggy Stardust, alléger Doolittle, couper aux ciseaux dans le dernier Tool et lâcher du mou sur Raw Power. Au final, on obtiendrait du concentré de disque, de l’adrénaline sous pression. Le format EP présente en plus l’avantage de permettre des sorties plus rapprochées, d’autoriser les dérapages incontrôlés, de pardonner le pas de travers. A l’heure où les albums se téléchargent plus rapidement qu’ils ne s’écoutent, le disque de 20 minutes max s’impose chez ceux qui veulent vivre avec leur temps.

Mesdames, messieurs, je vous le dis une dernière fois : mort au LP, que vive l’EP !

D’ailleurs, d’où vient l’album ? Pourquoi la musique populaire doit-elle forcément sortir sur un format aussi balisé ? L’album (ou LP ou Long Play pour les incultes) durait à la base 40 minutes parce que les vinyles étaient pressés sur deux faces de 20 minutes. Pourquoi ce format ? Tout simplement parce qu’à l’époque (fin des années 40), on pressait surtout de la musique classique, des pièces traditionnellement plus longues et répondant à une certaine cohérence (Vivaldi n’a pas dû ajouter de 5e saison pour remplir son disque). Même contrainte pour les musiques qui accompagnaient les spectacles de Broadway.

Avec l’apparition de la musique pop, personne ne s’est posé la question du format le plus adapté : on a tout simplement repris le LP et on y a entassé autant de chansons qu’on pouvait y caser. Simple LP ou double LP : ça donnait des albums de 40 ou 80 minutes. Avec l’apparition du cd, on a bêtement transposé la même philosophie sur un disque laser. Et la cohérence dans tout ça ? Certains rétorqueront qu’il y a toujours les « albums concepts », mais si même sur Ziggy Stardust, on peut débroussailler au bulldozer…

Le format album a surtout permis à l’industrie du disque de s’en mettre plein les poches : on sortait un ou deux singles valables, on les emballait entre une dizaine de bouses et l’album se vendait par camions entiers au megastore du coin de la rue principale. Faut-il brûler les albums pour ce qu’ils sont ? Sûrement pas ! Il existe des centaines d’albums qui sont des perles de la première à la dernière seconde (réécoutez Washing Machine ou Closer, messieurs dames). Mais pour un chef-d’œuvre, combien de disques tirés en longueurs et lestés à la levure ?

Se concentrer sur des formats plus flexibles comme l’EP ou le single, c’est admettre que le monde change, c’est montrer qu’on a compris que les habitudes évoluaient. On se dirigera peut-être ensuite vers la mise à mort du support cd, ni plus ni moins. Finalement, est-ce si dérangeant ? Le vrai amoureux du microsillon n’abandonnera jamais ses fouilles dominicales dans les cartons poussiéreux d’un vide grenier. L’industrie musicale perdra des millions ? On s’en fout ! Ça va tuer les artistes ? Mon cul ! Mozart n’a jamais eu besoin de vendre des disques.

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