mercredi 4 juillet 2007

Elizabeth Kostova : The Historian


Le titre français est kitchissime : L’Historienne et Drakula. Franchement, si je ne savais pas qu’il s’agit d’un livre, je croirais que c’est un film de boule. Genre, Rocco avec des dents en plastique, à poil sous sa cape noire beuglant « tu la sens ma grosse gousse » à une fille de l’Est tout en lui distribuant des claques sur les fesses dans une bibliothèque.

Ne vous y trompez pas, et ne croyez pas les béotiens qui osent en dire du mal sur le forum de la Fnac : The Historian est un excellent livre. Bien sûr, il fait 700 pages et trimballe le lecteur d’Amsterdam à Istanbul en passant par la Roumanie, la Bulgarie et j’en passe. Alors, forcément, faut se farcir quelques descriptions, c’est parfois un peu lent, et vers la page 500 faut faire un effort pour ne pas décrocher.

Bref, autant le dire tout de suite : The Historian n’est pas un livre pour rôlistes amateurs de vampires, c’est un livre pour les gens qui aiment lire. Et qui savent prendre le temps d’apprécier la lente mise en place des rouages qui vont donner toute leur intensité aux 100 dernières pages.

A ce petit jeu, Kostova excelle. Son livre, qui enchâsse trois histoires, à trois époques différentes, distille les informations au compte gouttes et fait patiemment, inexorablement, monter le suspense. En plus c’est écrit dans un anglais assez abordable pour être lu en V.O.

En deux mots, le livre se structure comme suit : la narratrice raconte comment elle est partie en quête de son père, qui était parti à la recherche de son mentor, lui-même parti à la recherche de Dracula. Evidemment, plus elle en apprend sur son père, plus elle apprend ce qu’il a lui-même découvert sur son mentor, qui avait fini par en savoir long sur ce bon vieux Vlad.

A mon sens, les deux principaux atouts du livre son le point de vue scientifique rationnel des différents narrateurs (tous historiens) et la dose parcimonieuse d’événements ouvertement surnaturels. Je m’explique.

Kostova fait parler des historiens, avec ce que ça suppose de rationalisme et d’esprit critique. En gros, ce ne sont pas deux ou trois événements un peu glauques qui vont les précipiter sur leur gousse d’ail et leur supersoaker blindé d’eau bénite.

Elle évite aussi le travers du scientifique rigide, qui refuse de se rendre à l’évidence, même si un type essaie par deux fois de boire le sang de sa gonz’ à même la jugulaire.

Résultat : quand le surnaturel fait son apparition, il s’impose avec d’autant plus de force que toutes les réfutations ont été envisagées. Comme un fait brut, non pas surprenant, mais attendu. Et redouté comme la preuve expérimentale qui confirme une théorie abominable. Rien qu’à cet égard, l’art du suspense de Kostova est admirable.

Mais ce n’est pas tout. Car si le livre parle de Dracula, celui-ci intervient très peu de manière directe, sur la tournure des événements. En fait, à part enlever un type ou l’autre, il ne fait pratiquement rien. Il est l’objet de la quête, terrifiant et fascinant. D’autant plus que dans cette quête qui consiste à découvrir le véritable emplacement de son tombeau, on en apprend énormément sur l’homme que fut Vlad l’Empaleur.

Opposant opiniâtre des Turcs, chef de guerre cruel et impitoyable de son vivant, Dracula dispose de pouvoirs somme toute limités, si on les compare à ceux du Lestat d’Anne Rice par exemple. Mais la perspective de ce qu’un esprit aussi retors pourrait faire ne fut-ce que de l’immortalité, finit par donner froid dans le dos.

En somme, ce n’est pas le vampire en tant que créature qui est inquiétant, c’est Vlad Tepes devenu vampire qui fout vraiment les boules. C’est l’une des énormes qualités du livre.

Voilà pour l’essentiel. Je pourrais encore m’attarder sur la façon dont Dracula, par un nombre minime d’actions directes bouleverse le destin de trois générations d’historiens, de façon tragique, mais ça deviendrait un peu long.

En résumé, The Historian brille tant par son approche historienne de la parole des narrateurs, que celle, historique, du personnage de Dracula. Et c’est sans doute la meilleure histoire de vampire depuis Entretien avec un Vampire.

Une adaptation cinéma est prévue. Sony a acheté les droits du film, qui sera produit par Douglas Wick (Memoirs of a Geisha, Gladiator).

Franchement, lisez plutôt le livre.

Elizabeth Kostova : The Historian/L’Historienne et Drakula.

Interview de l’auteur : http://www.powells.com/authors/kostova.html

***Article publié par Niaco***

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