lundi 8 octobre 2007

Qui – Love’s Miracle

La bête est lâchée

C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup. Cet album marque ni plus ni moins que le retour de David Yow, le chanteur timbré de feu The Jesus Lizard, groupe qui a marqué mon adolescence et bien plus encore au fer rouge. Depuis la séparation des Jesus’ en 1998, Yow avait pratiquement disparu de la circulation, collaborant de ci de là avec les Melvins ou Shellac.

Les autres ex-membres des Jesus Lizard ont connu des fortunes diverses : le guitariste Duane Denison a effectivement rejoint Mike Patton au sein de Tomahawk (et fait de la pub pour les guitares Gibson), tandis que le bassiste David Sims serait devenu... comptable. Mais rien ou très peu sur David Yow.

Connaissant l’énergumène, on se dit qu’il vaut peut-être mieux ne pas savoir ce qu’il a fait pendant ces dix années d’absence. Un séjour en hôpital psychiatrique pour soigner ses pathologies exhibitionnistes ? Une carrière dans le X, tendance science-fiction et partouzes intergalactiques ? La culture d’une essence de piment des Andes qui rend aveugle ? Le net reste muet à ce sujet, laissant libre cours à notre imagination débordante.
Certains ont bien tenté de reprendre le flambeau de ce noise rock beuglant et ronflant : McLusky s'y est brûlé les ailes mais a obtenu la reconnaissance posthume, Part Chimp continue sur les cendres de Penthouse.

Et paf, voici que sort Love’s Miracle, un album de Qui, duo californien qui s’est adjugé les services de Yow pour assurer la partie vocale. Le miracle de l’amour, c’est qu’à écouter tout ça de loin, je me croirais revenu au milieu des années 90. A l’époque, The Jesus Lizard enflammait les scènes avec des concerts solidement déjantés au cours desquels David Yow se retrouvait systématiquement dans le public… et à poil.

L’album s’ouvre timidement sur Apartment, morceau brouillon qui tarde à se mettre en place mais qui annonce la couleur : le trio guitare-voix-batterie ne fera pas dans le détail. Ce n’est que sur la plage suivante, Today, Gestation, que la sauce prend toute sa saveur. Pas de doute, David Yow est bien de retour et il s’en donne à cœur joie sur ce blues punk incendiaire. Le son évoque forcément un lien de parenté avec The Jesus Lizard mais l’élève ne fait que frôler le niveau du maître. Il faut dire qu’on n’y retrouve ni les prouesses techniques d’un Denison, ni la basse enrayée de Sims.

Qui partage toutefois avec son lointain parent cette tendance à tout jouer à fond les manettes, sans se soucier du vumètre qui vire dangereusement dans le rouge. La batterie s’emballe, la guitare sature au point de faire crachoter les baffles. La voix et surtout les cris de Yow y sont pour beaucoup et rappellent ses plus belles performances sur des titres comme Freeze (le riff fait penser à Gwar jouant du blues) ou le furieux Belt. On y devine aussi un petit clin d’œil aux potes des Melvins (A #1). En guise de final, Qui nous gratifie de la (mauvaise) surprise du chef : Echoes, une abominable reprise de Pink Floyd qui n’a pu être pondue qu’en pleine descente post-bourbon. Heureusement que la fin du morceau se noie sous un riff de guitare un peu plus musclé, histoire de ne pas gâcher notre plaisir.

En enlevant le premier et le dernier morceau, Qui aurait pondu un excellent EP. On n’a finalement droit qu’à un très bon album, qui s’en plaindra ? Pour le fan en manque des Jesus Lizard que je suis, réentendre David Yow hurler des horreurs à s’en époumoner est un pur bonheur. Pour les autres, la pilule sera certainement beaucoup moins digeste.
Et pour ceux qui n’ont jamais entendu parler des Jesus Lizard, la compilation Bang constitue la meilleure des portes d’entrée. Niveau albums, allez plutôt voir du côté de Head/Pure (enregistré en partie sans batteur) ou de Shot.


Sur MySpace : www.myspace.com/qui
Sur le site du label Ipecac : http://www.ipecac.com/bio.php?id=56

En bonus, 2 photos de Yow que j'ai prises avec un jetable lors du concert des Jesus Lizard au Pukkelpop en 1998 :






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire