vendredi 30 novembre 2007

Le décret "inscriptions" et les nouveaux fascistes

Chez ces gens-là, Monsieur, on ne se mélange pas

Pour resituer le problème, rappelons qu’en Communauté française de Belgique, il n’existe pas de carte scolaire, contrairement à ce qui se passe en France. Chez nous, jusqu’à l’année dernière, les parents étaient libres d’inscrire leurs enfants dans l’établissement de leur choix. Idyllique ? Pas vraiment puisqu’en pratique s’est développé un enseignement à deux, trois voire quatre vitesses, avec d’un côté des établissements ultra huppés où se rassemblent les fils et filles de bonnes familles triés selon des critères peu clairs et, à l’autre extrême, les bahuts « ghettos » où s’entasse une population d’origine modeste, souvent issue de l’immigration. Cette situation est particulièrement alarmante à Bruxelles.

Pour y remédier, le décret « inscriptions » instaure depuis cette année le principe du « premier arrivé, premier inscrit » pour toutes les écoles publiques, sans exception. But revendiqué : favoriser la mixité culturelle et sociale, une des valeurs censées être véhiculées par l’école. Les inscriptions ne pouvant être prises en compte qu’à partir de ce 30 novembre, on assiste à des scènes surréalistes où des parents ont fait la file pendant plus de 48 heures devant la porte de l’école de leur choix, pour être certains que leurs enfants fréquenteront une « bonne » école.

Faut-il les plaindre, eux qui bravent le froid et la pluie pour assurer à leur progéniture une éducation cinq étoiles ? Permettez-moi d’en douter. Quelle image véhiculent-ils sinon celle de parents qui sont prêts à tout pour éviter à leurs enfants de devoir se mêler à la populace ? Ils vilipendent la ghettoïsation de l’enseignement, mais ils en sont les premiers responsables. Une école ne naît pas « ghetto », elle le devient. Elle se définit par la population qui la fréquente. Sans « mauvaise » école, pas de bonne. Alors forcément, les « ghettos », ils y sont favorables… pour les autres. Aujourd’hui, à Bruxelles, il existe des établissements scolaires réputés qui ne comptent qu’1 % d’élèves d’origine étrangère, dans des communes où les allochtones comptent pourtant pour 50 % de la population totale. Tous égaux devant l’enseignement ? Mon cul !

De quoi s’offusquent-ils, ces parents, sinon de perdre leurs privilèges de nantis ? En faisant la file nuit et jour devant les « bons » établissements, ils démontrent par l’absurde qu’à leurs yeux leur gosse veut mieux qu’un autre. Que chez eux, on ne mélange pas les torchons et les serviettes. Les pauvres, les arabes et les débiles, qu’ils restent entre eux. Les fils de bonne famille préfèrent se barricader dans ces écoles bourgeoises, bien à l’abri de la réalité extérieure, protégés par les œillères que leur ont greffés depuis la naissance ces parents obtus. Pour eux, une bonne éducation, c’est forcément la discipline, la rigueur, l’excellence, la compétition, le formatage et le bien penser. Et surtout, surtout, ce sont des classes où jamais on ne débattra du port du voile, où jamais un gamin n’arrivera avec un œil au beurre noir parce que son père lui a collé une droite, où jamais on ne fumera d’herbe, où on ne sait même pas ce que signifient les termes « grossesse précoce », où le ramadan tient des rites exotiques au même rang que le hara-kiri où les plats à base de viande de chien, où le chômage du père est toujours considéré comme une maladie honteuse.

Ces gens-là, ce sont les mêmes qui décrient le déclin de la Wallonie, mais préfèrent laisser leur fils rater trois fois Solvay (aux frais de la Communauté) plutôt que de le réorienter vers une formation en maçonnerie. Chez eux, l’enseignement technique et professionnel, c’est bon pour les pauvres, les arabes et les débiles. Chez eux, on sera avocat, médecin ou ingénieur et tant pis pour la pénurie de main d’œuvre qualifiée. Comment justifier lors de la prochaine réunion du Rotary Club que le petit dernier est devenu conducteur de grues sur les chantiers (il en manque des centaines) ? Vous imaginez la honte ?

Alors à ces gens-là, et aux journalistes qui relaient leurs complaintes, je dis merci. Merci d’avoir publié la liste des établissements devant lesquels on fait la file. Merci de les avoir pointés du doigt. Parce que désormais, j’ai la liste complète des écoles où, jamais, je n’inscrirai mes enfants.

Photo : http://www.lesoir.be/

5 commentaires:

  1. coup de colère sans doute très justifié, mais qui se trompe de cible Al. c'est quand même un décret à la con, qui prépare 2009 plus qu'il n'offre de vrais solution à un enseignement pourtant en situation de crise prolongée, tu le sais bien....

    Par ailleurs, crois bien qu'à saint michel, les RDVZ avaient été pris : les nantis n'ont pas eu besoin de faire la file. Les faiseurs de file ont dès lors aussi (et surtout?) été ces parents qui, jusqu'à présent refusé de ces établissements, ont voulu enfin saisir leur chance de sortir leurs enfants d'écoles dites "difficiles". Et même si je considère qu'ils se trompent, qui serais-je pour les blâmer. Et puis il y a aussi ces parents qui, conscients de l'atractivité de l'école de leur enfant, furent tout simplement inquiets de devoir se trouver une nouvelle école, de nouvelles habitudes, un nouveau trajets matinal dans les embouteillages, avec tout ce que ça implique.

    Alors, oui, ce désir de voir ses enfants fréquenter à tout prix ces écoles est cinyque et par certains aspects détestables. Mais le "tous dans le même sac" me gêne. Et surtout, j'aurais voulu voir ta délicieuse plumme choisir une cible plus adaptée. J'aurais aimé t'entendre, toi qui a tant à dire sur le sujet, parler des mille et une non-mesures à la con prises par une ministre en campagne perpétuelle.

    Et puis, honnêtement, avec ou sans liste, y avait peu de chance pour que tu inscrive un jour ta fille dans une de ces écoles élitistes et si éloignées de la réalité sociale qui les entourent.

    Sur ce, même si je ne suis pas tout à fait d'accord, ça fait toujours très plaisir de te lire, surtout quand c'est écrit avec une telle énergie :-)

    Ps : et désolé pour l'absence de réponse à ton mail ; j'ai passé mon week-end à récurer les chiottes de Cateau afin d'avoir les noms de ma future progéniture inscrits sur les listes secrètes d'inscription à partire de 2012 :-) (en vrai j'étais à Paris, soirée Matamore)

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  2. Je pense que sur le fond du problème, nos points de vue ne doivent pas être si éloignés que ça.

    Et évidemment que même en cas de pseudo-représentativité sociale au sein d'une école, on s'arrangera toujours (parfois sous la pression de certains parents) à rassembler les "problèmes" dans la même classe. Et oui, je pense que dans nos deux modestes têtes, il doit y avoir plus d'idées pour aider l'enseignement que dans tous les décrets qu'Arena sortira jamais. Mais si je devais dénoncer tout ça, je ne tiendrais pas un blog, j'écrirai un livre et je te demanderais de le préfacer. J'ai fait un choix, celui de cracher sur des réflexes purement égoïstes qui mènent à un comportement totalement irréfléchi et vers lesquels nous serons peut-être un jour tentés de glisser.

    Pour ce qui est de redresser l'enseignement, je pense qu'un blog ne suffira pas à aborder la moitié du quart des problèmes. Je préfère qu'on en parle autour d'une bouteille de poire et d'un sachet de cahuètes. Mais je sais très bien qu'on a le même point de vue sur la question, alors à quoi bon si ce n'est pour la poire ?

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  3. Et bien voilà : ce décret aura au moins eu un effet positif : "fais péter la poire Al'!"

    Je comprends bien ton point de vue, qui n'est pas incompatible du mien. Et je comprend ton choix. J'ai vu de la lumière, une opportunité de gueuler un peu contre un décret à la con, et je suis rentré me réchauffer. Mais pour la poire, je repasserai :-)

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  4. Horreur en regardant dans le bar : j'ai vidé la Poire avant mon mois de régime à l'eau plate. Pour la discussion, faudra soit que je rachète une bouteille de poire, soit qu'on passe carrément à un vieux Rhum brun "Santiago de Cuba" qui glisse tout seul et qui soigne également la toux grasse

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  5. dites les gars, si vous voulez j'ai une grappa du tonnerre de Dieu et quelques idées sur la question de la mixité sociale et sur la vraie réforme de l'école qui devrait passer par un changement radical des mentalités de plus en plus égocentriste (mais je veux pas cracher dans la soupe hein) de nos chers contitoyens (dont nous sommes)Parce que toute cette histoire me donne envie de gueuler mort au libéralisme vive le socialisme ou alors le contraire? En ces temps troublés on ne sait plus vraiment à quele saint se vouer. Je me sent coincé dans un discours d'idée qui est plus réthorique que pratique. Tous ces nantis socialistes qui parlent de mixité sociale ha ha ha et puis mon rire s'étrangle parce que au fond, comme le chante si bien Renaud, j'fai ausi partie du lot?

    Bon allez ressert moi un verre, ça au moin ça rassemble les peuples :-)

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