samedi 1 mars 2008

Ne l’appelez plus jamais Frank


Black Francis – Botanique – 26 février

Il y a quelques semaines, à l’occasion de la sortie du dernier album de Cat Power, j’évoquais l’équilibre parfois difficile entre respect éternel pour une idole ou un héros et déception du moment lorsque celui-ci se prend les pieds dans la moquette. Ce sentiment douloureux m’a de nouveau frappé ce mardi, au concert de Black Francis.

Charles Thompson, c’est 20 ans de carrière et au moins 130 kg de schizophrénie. Leader des défunts Pixies, auteur d’une poignée d’albums sous le pseudo de Frank Black, puis d’une demi-douzaine d’autres disques sous l’étiquette de Frank Black and The Catholics, il était revenu à la charge l’an dernier avec un premier album signé Black Francis, le sobriquet qu’il utilisait à l’époque des petites fées. Pour brouiller un peu plus les pistes, Charles Thompson Frank Black Francis Pixies n’hésitait pas à révéler que plusieurs morceaux de ce nouvel opus étaient issus de ce qui aurait pu être (mais ne sera jamais) le nouvel album des Pixies. Vous me suivez ? Une écoute attentive de BlueFinger laissait effectivement de ci de là un arrière goût de ce qu’aurait pu être le successeur de Trompe Le Monde.

Restait à tester l’expérience Black Francis sur scène. Et c’est peut-être ici que nous avons atteint les limites de l’exercice. Que Black oublie les Pixies lors de cette tournée était prévisible. La tournée de reformation des quatre de Boston a rapporté beaucoup de blé, mais a rapidement réveillé les vieux démons. Tout au plus aurait-on pu espérer une réinterprétation d’une face B ou une version acoustique inattendue. Mais rien de tout cela : Black Francis reste intransigeant. Vous avez eu suffisamment d’occasions de voir ou revoir les Pixies sur scène au cours de leurs longues tournées estivales. Les absents ont toujours tort.

Mais de là à ce qu’il ignore totalement le répertoire qu’il s’est constitué en quinze ans de carrière solo (et pratiquement autant d’albums), il y avait de quoi surprendre l’auditoire. Or, Black Francis s’en tient à une ligne dure. Sous ce nom, il n’a sorti à ce jour qu’un seul album et c’est dans ce disque uniquement qu’il puise les morceaux qu’il interprète sur scène aujourd’hui. En trio guitare-basse-batterie, il sert donc l’ensemble des morceaux de BlueFinger, album qu’il conçoit lui-même comme un opéra rock en hommage au musicien néerlandais Herman Brood. En un peu plus d’une heure, son set est bouclé. Avant d’entamer le dernier morceau, il se permet même de narguer l’audience : « J’espère que ça vous a plu. Moi-même, je ne suis pas certain de pouvoir supporter une heure d’opéra. » Rires jaunes, dernières notes d’un concert qui penche parfois du côté d’un punk rock crade et explosif, parfois du côté de la ballade rock FM à la grenadine, et le tout est emballé. Pas de rappel, merci, au revoir.

Comme il faut bien justifier les 16 euros du billet d’entrée, on se dit qu’il y avait quand même des moments qui rappelaient la grande époque. « Ce refrain sonnait un peu Surfer Rosa, non ? » Mais sur la durée, on aurait trouvé ça très chiant si le bonhomme n’avait pas le CV qu’on connaît.

Alors on pourra toujours se plaindre, crier au scandale, réclamer le remboursement du billet. Et la caissière vous répondra avec un sourire ennuyé : « Vous avez acheté une place pour voir Black Francis et Black Francis a joué toutes ses chansons. Que voulez-vous de plus ? »

Pour compléter le tableau et ajouter une autre pièce à ce tableau de confusion et de frustration, il convient de préciser que sur cette tournée européenne, Black Francis s’est amusé à improviser des petits concerts en plein après-midi dans la plupart des villes qu’il a visitées. Des chanceux l’ont ainsi croisé dans un square fréquenté ou chez un disquaire réputé, seul avec sa guitare acoustique, en train de chanter des chansons… des Pixies.

Ne me serais-je pas fait enc… , moi, dans cette histoire ?

A regarder : la vidéo de Frank Black interprétant les Pixies dans un parc de Dublin, il y a trois semaines...

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